Alors que 450 travailleurs de CMC Électronique viennent de déclencher une grève pour s'opposer à l'instauration d'un régime de retraite à deux vitesses et que le projet de loi qui doit les interdire pour l'avenir est toujours à l'étude, le premier ministre Philippe Couillard a encore une fois pressé l'opposition d'en faciliter l'adoption.

Et la FTQ, elle, craint que pendant ce temps, d'autres employeurs en profitent pour mettre de la pression sur leurs travailleurs dans le but de faire accepter un régime de retraite moins généreux... avant que la loi les interdisant à l'avenir ne soit adoptée.

Une grève générale illimitée a été déclenchée dans la nuit de mercredi à jeudi chez CMC Électronique, de Saint-Laurent, anciennement Marconi.

Les travailleurs, syndiqués chez Unifor, affilié à la FTQ, s'opposent à l'implantation d'un régime de retraite à cotisations déterminées pour les futurs employés, alors qu'eux bénéficient actuellement d'un régime de retraite à prestations déterminées - plus généreux. La question des salaires est aussi en litige, mais la modification du régime de retraite est le principal enjeu, a indiqué Alexandre Lamarre, président de la section locale 2889 d'Unifor.

«Ça ne m'étonnerait pas qu'il y en ait d'autres», a tonné le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux, en entrevue avec La Presse canadienne. Il cite les cas de l'Aluminerie de Bécancour (ABI), où un lock-out de 1030 syndiqués des Métallos (FTQ) sévit depuis le 11 janvier, et où la question du régime de retraite était aussi en litige, et, maintenant, de CMC Électronique chez Unifor (FTQ).

«Dépêchez-vous d'être discriminatoires»

La réforme de la Loi sur les normes du travail qu'a déposée la ministre Dominique Vien vise entre autres à interdire les clauses de disparité de traitement qui permettent des régimes de retraite ou d'assurances moins généreux pour les employés embauchés après une date donnée. Mais la réforme permettra de maintenir ces régimes qui sont déjà en place, même si le gouvernement admet qu'ils sont discriminatoires.

«Avec la position que le gouvernement prend, il encourage les employeurs, s'ils veulent être discriminatoires, de se dépêcher à l'être, parce qu'à compter de la date d'entrée en vigueur du projet de loi, ils ne pourront plus l'être. Mais s'ils le sont [discriminatoires] avant, ils vont pouvoir continuer à l'être», a lancé M. Cadieux, avec une pointe de sarcasme.

Depuis le début du débat sur ce projet de loi, la FTQ a demandé que toutes les clauses discriminatoires soient interdites, même celles qui existent déjà dans les conventions collectives, et pas seulement les futures clauses, comme le veut le projet de loi.

M. Cadieux propose qu'à compter de l'adoption du projet de loi, on «fixe un échéancier pour que la discrimination puisse cesser» là où elle a déjà été inscrite dans un contrat de travail. Mais ce que le projet de loi fait, selon lui, est plutôt «d'amnistier» ceux qui ont déjà de tels régimes discriminatoires.

Et même l'adoption du projet de loi avant l'ajournement de la session parlementaire, le 15 juin, est loin d'être acquise - d'où l'invitation du premier ministre Couillard aux partis d'opposition à faire preuve de diligence.

«Mon appel, je vais le répéter: procédons à l'adoption de ce projet de loi pour changer la vie des gens», a lancé encore vendredi le premier ministre Couillard.

M. Cadieux reproche à M. Couillard de faire porter aux partis d'opposition «l'odieux» des délais dans l'adoption du projet de loi.