À 24 heures de son intronisation au Temple de la renommée de l'entreprise canadienne, Monique Leroux, ex-dirigeante du Mouvement Desjardins, dépose aujourd'hui le rapport qu'elle a piloté et dans lequel elle fait une série de recommandations afin de favoriser un plus grand nombre d'entreprises démarrées et développées par des femmes.

Annoncée l'année dernière en grande pompe à l'occasion d'une rencontre organisée entre l'administration Trump et le gouvernement Trudeau, la création du Conseil canado-américain pour l'avancement des femmes entrepreneures et chefs d'entreprise - dont Monique Leroux est membre - a permis de formuler des recommandations visant à lever des obstacles auxquels font face les femmes en affaires.

Le rapport publié aujourd'hui fait état des recommandations liées au quatrième pilier du mandat donné au Conseil : l'amélioration de l'accès au capital (voir onglets ci-contre).

Les rapports sur les trois premiers piliers du mandat ont déjà été publiés. Le rapport sur le cinquième et dernier pilier (promouvoir le leadership des femmes dans le secteur privé) est attendu en juillet.

« Ce qu'on constate, c'est que par rapport à il y a 25 ans, on a maintenant un pourcentage intéressant d'entreprises démarrées qui sont la propriété de femmes. Mais la réalité, c'est que la plupart de ces entreprises sont quand même de taille plutôt modeste », dit Monique Leroux. 

« On n'a pas tant de grandes entreprises qui sont vraiment développées et pilotées par des femmes. On a voulu savoir pourquoi. »

Pour en arriver à formuler ses recommandations sur l'accès aux capitaux pour les femmes entrepreneures, une trentaine d'entrevues avec des dirigeants de diverses institutions financières au Canada et aux États-Unis ont été menées.

De façon générale, ces dirigeants admettent que les fournisseurs de capitaux (investisseurs institutionnels, institutions financières, gestionnaires d'actifs, fonds de retraite et sociétés de capital de risque) n'ont pas percé le marché que représentent les femmes entrepreneures autant que celui de leurs homologues masculins. Les femmes démarrent des entreprises avec deux fois moins de capitaux que les hommes et seulement 5,5 % des femmes contractent des prêts bancaires, comparativement à 11,4 % des hommes, selon le document.

Le rapport doit être transmis aujourd'hui au bureau du premier ministre, à Ottawa, ainsi qu'à la Maison-Blanche, à Washington.

Première québécoise intronisée

Par ailleurs, Monique Leroux sera intronisée au Temple de la renommée de l'entreprise canadienne, demain, lors d'une cérémonie organisée à Toronto, en compagnie du patron de BCE, George Cope, du patron de Porter Aviation, Robert J. Deluce, et du président de Goldcorp, Ian Telfer.

Chaque année, le Canadian Business Hall of Fame reconnaît et célèbre les réalisations de chefs d'entreprise canadiens pour leur excellence en leadership, leurs réalisations professionnelles et leurs contributions à la société canadienne.

« Monique Leroux est grandement respectée partout au pays. Ses réalisations parlent d'elles-mêmes », dit David Denison, membre du comité de sélection du Temple de la renommée de l'entreprise canadienne.

« La croissance de Desjardins sous son leadership a été remarquable, faisant de l'organisation la cinquième coopérative en importance au monde. Elle a transformé Desjardins en une force nationale et internationale. »

« Elle est un modèle pour les femmes en affaires et une championne pour leur avancement », ajoute celui qui est aussi président du conseil d'Hydro One.

« Au moment de l'élection chez Desjardins en 2008, je n'étais certainement pas la candidate la plus probable pour la présidence. Ç'a été un grand geste de confiance, puisqu'au fond, j'allais devenir la première femme à la tête d'une grande institution financière canadienne », dit Monique Leroux.

Parmi les Québécois intronisés au Temple de la renommée de l'entreprise canadienne au fil des ans, on note, par exemple, Alain Bouchard (2017), André Bérard (2015), Lino Saputo (2014), Pierre H. Lessard (2012), Guy Laliberté (2011), Aldo Bensadoun (2011), Paul Tellier (2010), Jacques Lamarre (2010), Philippe de Gaspé Beaubien (2009), Serge Godin (2008), Stephen Jarislowsky (2007), André Chagnon (2002), Guy Saint-Pierre (2001), Pierre Péladeau (2000) et Jean Coutu (1999).

LA CARRIÈRE DE MONIQUE LEROUX EN BREF

Avant d'être nommée l'année dernière au Conseil canado-américain pour l'avancement des femmes entrepreneures et chefs d'entreprise, Monique Leroux a dirigé le Mouvement Desjardins de 2008 à 2016. Elle est aujourd'hui présidente du conseil d'administration d'Investissement Québec, conseillère stratégique chez Fiera Capital et administratrice de plusieurs entreprises. Elle siège notamment à titre de membre indépendante aux conseils d'administration de BCE, Couche-Tard, Michelin et S&P Global.

Trois recommandations pour améliorer l'accès au capital pour les femmes

Aide gouvernementale

Le comité suggère à Ottawa d'envisager la mise en place d'un taux d'imposition réduit pour les entreprises contrôlées par des femmes, inspiré du taux d'imposition réduit que le Canada applique aux sociétés privées sous contrôle canadien. Il est aussi souligné qu'Ottawa devrait continuer d'adopter des programmes privilégiant les entreprises appartenant à des femmes lors d'appels d'offres gouvernementaux.

Fixer des objectifs plus audacieux

Le rapport suggère aux femmes entrepreneures de prendre des mesures afin que leurs demandes de financement visent une somme suffisante. Les femmes ont tendance à établir des objectifs plus prudents, ce qui peut freiner le potentiel de croissance. Il est suggéré de déterminer si la croissance est un objectif réaliste dans le cadre du plan d'affaires, de considérer des partenariats pour stimuler la croissance, et de réévaluer sa tolérance au risque et solliciter des sources de financement plus complexes plus tôt dans le cycle de vie de l'entreprise. 

Changer les façons de faire

Le Conseil propose notamment aux fournisseurs de capitaux de sensibiliser les responsables des relations avec la clientèle au fait que les femmes ont tendance à formuler des demandes de capitaux plus modestes. Sachant cela, ils devraient prendre l'initiative de revoir le plan d'affaires avec les femmes pour évaluer l'ampleur du levier financier que l'entreprise peut soutenir et comparer celui-ci à la somme demandée. Les fournisseurs de capitaux sont aussi invités à augmenter la présence de femmes dans des postes de direction, d'interaction avec la clientèle et d'influence sur les décisions d'investissements.