Le procès pour délit d'initié de l'ancien chef de la direction d'Amaya, David Baazov, et de ses coaccusés, s'est mis en marche lundi, et les avocats de la défense ont répété une plainte au sujet de leur étude des millions de documents remis par l'Autorité des marchés financiers (AMF) du Québec.

L'avocate de M. Baazov, Sophie Melchers, a indiqué au juge de la Cour du Québec Salvatore Mascia qu'elle n'avait pas été capable d'étudier près de quatre millions de documents récemment déposés au dossier par le groupe de réglementation des marchés, qui a effectué une perquisition dans les bureaux d'Amaya en 2014 au sujet d'allégations de tentative de manipulation du cours de l'action d'Amaya et de partage d'information privilégiée.

«Nous voulons clairement établir, en ce début du procès, que David Baazov et son conseil ne se sont pas vu attribuer par l'AMF ou par ce tribunal le temps nécessaire pour étudier les millions de documents dévoilés et jugés potentiellement pertinents», a-t-elle affirmé.

Le juge Mascia est intervenu pour critiquer les commentaires liés aux problèmes qu'il avait déjà rejetés dans le cadre d'une requête pour arrêt des procédures en raison de délais que la défense estimait déraisonnables.

«Ce n'est pas le temps», a-t-il affirmé. «Ceci n'est absolument pas nécessaire.»

Le juge Mascia a insisté sur le caractère équitable des règles, qui permettra notamment à la défense de demander le rappel à la barre d'un témoin de la poursuite pour poser des questions additionnelles non couvertes lors d'un contre-interrogatoire.

Stéphanie Lapierre, avocate de la défense pour le coaccusé Yoel Altman, a exprimé des frustrations semblables.

«Une fois de plus, l'AMF devra composer avec les décisions qu'elle a prises pour nous compliquer la vie à chaque étape du processus», a-t-elle affirmé au juge.

Le procès devrait se poursuivre jusqu'à l'automne. La poursuite dit avoir l'intention d'appeler plusieurs témoins à la barre, incluant des enquêteurs de l'AMF et des banquiers impliqués dans le financement de l'acquisition de PokerStars par Amaya.

Une partie de l'information privilégiée dont il est question dans les accusations est liée à cette acquisition, réalisée en 2014 au coût de 4,9 milliards US, qui a fait de l'entreprise montréalaise la plus grande société de poker en ligne au monde.

M. Baazov, qui n'était pas en cour lundi, a plaidé non coupable aux cinq chefs d'accusation qui ont été déposés contre lui. Il est notamment accusé d'avoir aidé à transiger en possession d'une information privilégiée, d'avoir influencé ou tenté d'influencer le cours du titre d'Amaya et d'avoir communiqué une information privilégiée.

Deux autres associés, Yoel Altman et Benjamin Ahdoot, et trois entreprises font aussi l'objet d'un total de 18 chefs d'accusation additionnels découlant de l'enquête de l'AMF et ont aussi plaidé non coupables.

Les accusations sont associées à des peines d'emprisonnement pouvant atteindre cinq ans et à des amendes de 5 millions.

Dans sa déclaration d'ouverture, la procureure de l'AMF Isabelle Bouvier s'est engagée à offrir la preuve que M. Baazov avait partagé de l'information confidentielle à ses coaccusés au sujet de la transaction de 2014 visant PokerStars.

Selon elle, les coaccusés ont eu recours à de l'information au sujet de cette transaction qui n'était pas disponible à l'investisseur moyen pour acheter des actions d'Amaya après le recul du cours de l'action survenu pendant la négociation pour la transaction.

Me Bouvier a indiqué que des courriels échangés entre MM. Baazov et Altman suggéraient qu'ils s'inquiétaient de la plus faible valeur d'Amaya et devaient «prendre de l'avance sur les vendeurs à découvert comme nous l'avons fait par le passé».

Amaya est aujourd'hui connue sous le nom de The Stars Group et a déménagé son siège social à Toronto.

Son action a clôturé lundi à 43,02 $ à la Bourse de Toronto, après avoir touché un sommet record de 43,03 $ en cours de séance. La société a annoncé samedi avoir conclu un accord pour racheter la britannique Sky Betting & Gaming, une transaction évaluée à 4,7 milliards. L'entente comprend une portion en espèces de 3,6 milliards et une autre de 1,1 milliard en actions du Stars Group.