L'économie qui tourne à plein régime a permis au ministre des Finances de dépenser plus et de réduire la dette en même temps. Mais il a aussi pigé dans la réserve de stabilisation pour financer les baisses d'impôt, et il a choisi de ne prendre aucune provision pour éventualités pour l'année qui vient, malgré la probabilité d'un ralentissement économique.

Dans son cinquième budget, Carlos Leitão se range du côté des optimistes : il prévoit que l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) sera renouvelé et que la prochaine récession est encore loin.

Le ministre se défend toutefois d'avoir mis des lunettes roses. « Nous avons des prévisions économiques très conservatrices, s'est-il justifié. Certains pourraient même dire qu'on manque d'ambitions, mais c'est plutôt être réaliste. »

Les surplus accumulés dans la réserve de stabilisation ont servi en partie à financer les baisses d'impôt annoncées en novembre dernier, mais il reste encore 2,4 milliards dans ce bas de laine. « Ça peut compenser une diminution de 3 points de pourcentage du PIB, ce qui nous donne le temps de mettre des mesures en place », a-t-il précisé.

Si l'ALENA devait disparaître, l'impact sur l'économie ne serait pas soudain, estime aussi l'économiste Leitão. Et cet impact pourrait être relativement mineur, selon lui. 

« On peut prévoir une forte baisse du dollar canadien [en cas de disparition de l'ALENA], et l'économie s'ajusterait. » - Carlos Leitão, ministre des Finances

Le ministre des Finances croit qu'il faut quand même se préoccuper du niveau des investissements des entreprises, qui pourrait ralentir en cas d'incertitude prolongée sur le sort de l'ALENA. « Pour l'instant, on ne voit pas de tels signes », a-t-il ajouté.

En 2017, les investissements des entreprises ont rebondi de 5 %, et le budget prévoit une hausse aussi forte en 2018. Ce taux de croissance reste toutefois bien en deçà de ce qu'il était en 2012.

NOUVELLE CONTRIBUTION D'HYDRO-QUÉBEC

Le gouvernement a décidé d'utiliser le Fonds des générations pour commencer à rembourser la dette, à raison de 2 milliards par année pendant les cinq prochaines années.

Malgré cette réduction, la dette du Québec reste une des plus élevées parmi les provinces canadiennes, en deuxième place derrière Terre-Neuve-et-Labrador.

Moins de dette signifie moins d'intérêts à payer, mais en raison de la hausse des taux qui s'amorce au Canada et ailleurs, le total des intérêts à payer sur la dette du Québec restera constant au cours des prochaines années.

La part des revenus du gouvernement consacrée au service de la dette, par contre, diminuera au fil des années. Actuellement, 8,6 % des revenus sont consacrés aux intérêts sur la dette.

Malgré la ponction de 2 milliards par année que le gouvernement fera pour réduire la dette, le Fonds des générations continuera de croître, grâce notamment à une contribution additionnelle de 215 millions d'Hydro-Québec.

Le Fonds des générations devrait également continuer de grossir grâce aux revenus de placement. En 2017, la Caisse de dépôt et placement a livré un rendement de 8,5 % au Fonds des générations, alors que le coût des emprunts du gouvernement sur les marchés était de 2,5 %.

Cet effet de levier devrait s'amplifier au cours des prochaines années, si bien que les placements devraient être la principale source de revenus du Fonds des générations en 2021.

Québec aurait pu être plus prudent

L'Association des économistes québécois note avec satisfaction que le budget 2018-2019 du gouvernement du Québec comporte plusieurs mesures qui vont dans le sens de ce qu'elle avait recommandé dans le mémoire qu'elle a transmis au ministre des Finances dans le cadre des consultations prébudgétaires. Par contre, l'Association note que le gouvernement aurait pu adopter une approche « plus prudente étant donné les incertitudes quant à l'évolution de l'économie au cours des prochaines années ». « [Le budget] reflète la bonne santé économique du Québec : seule une économie très robuste peut se permettre d'augmenter les dépenses publiques de 5 % sans hausser les taxes ni recourir à des déficits [...] C'est une excellente nouvelle qui encourage le milieu des affaires à investir encore davantage », affirme Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Péréquation : nouvel accord, mêmes désaccords

Les transferts fédéraux représentent bon an, mal an 20 % des revenus du gouvernement du Québec. En 2018-2019, ces transferts totalisent 21 milliards, dont la moitié, soit 11,7 milliards, en paiement de péréquation. C'est 1419 $ par habitant, comparativement à 70 $ par habitant en Ontario et à 1566 $ par habitant au Manitoba. Le nouveau programme de péréquation de cinq ans sera en vigueur à compter du 1er avril 2019 et ne prévoit pas de changement important à la formule de calcul. Le Québec continue de réclamer des changements, notamment dans le traitement des dividendes provenant des activités de transport et de distribution d'Hydro-Québec, qui sont considérés comme des revenus provenant des ressources naturelles. En Ontario, les revenus d'Hydro One (transport et distribution) sont considérés comme de l'impôt sur le revenu des sociétés. Le Trésor québécois estime que cette différence de calcul le privera de 520 millions en paiement de péréquation en 2018-2019.