Grâce à la bonne performance de l'économie québécoise, d'une part, et à une ponction dans sa réserve de stabilisation, d'autre part, le ministre des Finances Carlos Leitão présente aujourd'hui un budget équilibré contenant une hausse des dépenses de 4,6 milliards de dollars, sans déclarer de déficit.

À environ six mois de la prochaine élection provinciale, M. Leitão a voulu « poser des gestes importants pour améliorer la qualité de vie des Québécois, ainsi que la mobilité », comme il l'a résumé lors de son point de presse, cet après-midi.

Les nouvelles dépenses (dont environ 2 milliards de dollars annoncées aujourd'hui) surpassent largement les nouveaux revenus prévus pour 2018-2019. L'écart de presque 1,6 milliard de dollars, en tenant compte du versement au Fonds des générations, sera puisé à même la réserve de stabilisation du gouvernement. 

Cette réserve, qui a été constituée exclusivement grâce aux surplus des trois premières années du mandat libéral, permet donc de financer plus du tiers des nouvelles dépenses annoncées aujourd'hui. 

Éducation et santé

La forte hausse des dépenses touchera à peu près tous les secteurs. Les deux principales missions de l'État québécois, l'éducation et la santé, figurent évidemment parmi les principales bénéficiaires.

Grâce aux ententes avec les fédérations médicales, les acteurs des réseaux de la santé et des services sociaux disposeront de 372 millions de plus cette année. Cet argent neuf sera notamment investi dans des mesures pour régler le problème de surcharge de travail des infirmières, annonce le gouvernement Couillard, sans toutefois en donner les détails dans le budget d'aujourd'hui.

En éducation, Québec augmente le budget de 5%. Pour une rare fois, la croissance des dépenses est plus élevée pour les universités et les cégeps (5,8%) que pour les écoles primaire et secondaire (4,5%). Québec revoit la formule de financement des universités, une mesure attendue depuis longtemps. Il poursuit l'embauche de professionnels pour les écoles. Les futurs enseignants auront droit à une compensation financière pendant leur dernier stage.

Le budget comprend aussi quelques mesures ciblant les jeunes familles, dont un nouveau crédit d'impôt pour l'acquisition d'une première demeure et une hausse du crédit d'impôt pour les frais de garde d'enfants.

Coup de pouce aux entreprises et aux médias

Québec donnera aussi un coup de pouce aux petites et moyennes entreprises en réduisant leur fardeau fiscal de 229 millions de dollars dès cette année, grâce à la réduction de leur cotisation au Fonds des services de santé et à une diminution progressive, d'ici 2022-2023, de 8% à 4% de leur taux d'imposition. 

Québec fait aussi un pas pour mettre fin à l'équité fiscale entre les entreprises québécoises et leurs rivales internationales en ce qui concerne la taxation en ligne. Les résultats escomptés sont toutefois modestes, avec un gain attendu d'à peine 7 millions cette année et 27,5 millions l'année suivante.

Le gouvernement vient aussi soutenir les journaux dans leur transformation numérique avec une aide pouvant atteindre jusqu'à 7 millions sur cinq ans pour chaque journal ou groupe de journaux.

Électoralisme

L'utilisation de la réserve de stabilisation pour financer une portion importante des nouvelles dépenses n'a pas manqué de soulever l'indignation des partis d'opposition, qui ont rappelé l'échéance électorale du 1er octobre prochain. 

« Aujourd'hui, c'est la distribution des bonbons, le 2 octobre, ça va être le retour des coupures », a annoncé le porte-parole péquiste en matière de finances, Nicolas Marceau.

« C'est cynique, désespéré et c'est complètement irresponsable, a-t-il poursuivi. On distribue des bonbons au point de créer des déficits pour cette année et les deux prochaines. »

« Je trouve ça trop facile pour un ministre des Finances de venir se péter les bretelles quand on a saigné les missions de l'État et les contribuables pendant des années », a pour sa part déploré le porte-parole en matière de finances de la CAQ, François Bonnardel.

« C'est sûr que c'est facile quand, pendant quatre ans, tu ramasses un butin électoral, de disperser ça, six mois avant l'élection, au gré de ce que tu as enlevé », a ajouté Manon Massé, de Québec solidaire.

En chiffres

109,6 milliards - Ce sont les revenus consolidés du gouvernement pour 2018-2019, en hausse de 2,2 % par rapport à l'année précédente. Ce montant inclut les transferts fédéraux de 23,7 milliards, en hausse de 4,4 %.

108,7 milliards - Ce sont les dépenses consolidées, en hausse de 4,5 %. Elles sont composées des dépenses des programmes (99,3 milliards) ainsi que du service de la dette (9,4 milliards). 38,5 milliards - Dépenses totales en santé et services sociaux, comparativement à 18,9 milliards pour l'éducation et l'enseignement supérieur. Tous les autres portefeuilles combinés totalisent 17,9 milliards.

4,6 % - Croissance des dépenses en santé, en hausse par rapport aux augmentations de 3,2 % en 2016-2017 et 4,2 % en 2017-2018. 2,2 milliards - Coût sur une période de cinq ans de l'allégement fiscal consenti aux petites et moyennes entreprises. Les cotisations au Fonds des services de santé seront réduites, ce qui privera le gouvernement de revenus de 1,2 milliard.

1 milliard - Somme additionnelle que le gouvernement consacrera à sa Stratégie numérique, ce qui portera le financement total à 1,9 milliard. Québec prévoit notamment 65 millions sur cinq ans pour la transformation numérique de la presse écrite, sous forme de crédit d'impôt.

904 millions - Surplus budgétaire prévu, en baisse par rapport à l'excédent de 3,1 milliards en 2017-2018. Québec entend puiser près de 1,6 milliard dans sa réserve de stabilisation, ce qui lui permettra de verser près de 2,5 milliards au Fonds des générations.

800 millions - L'enveloppe consentie au ministère de la Culture et des Communications, ce qui représente un bond de 11 %. Selon le gouvernement, il s'agit de la plus forte progression des dépenses pour ce ministère en près de 20 ans.

800 millions (bis) - Somme que le gouvernement entend consacrer d'ici 2022-2023 à une Stratégie nationale de la main-d'oeuvre.

500 millions - Montant qui sera consacré d'ici 2022-2023 pour la modernisation du système de justice. Le gouvernement dit vouloir faciliter l'accès pour les citoyens en réduisant les coûts et simplifiant les processus.

10 millions - Somme annuelle que le gouvernement entend verser aux municipalités pour les aider à faire face aux coûts de la légalisation du cannabis. Ce montant sera puisé à même le Fonds des revenus provenant de la vente du cannabis. Les modalités de distribution seront déterminées lors de négociations à venir avec les municipalités.

- La Presse canadienne