Alors que l'administration Trump semble ouvrir un nouveau front protectionniste en évoquant des tarifs ou des quotas sur l'importation d'aluminium et d'acier, les premiers ministres du Québec et de l'Ontario proposent plutôt d'élaborer une « stratégie continentale » afin d'avoir « une réponse coordonnée entre les États nord-américains » contre les pays qui font du « dumping ».

« Je ne préciserai pas notre idée d'une stratégie continentale, mais il est clair que nous avons des enjeux similaires aux États-Unis, notamment en ce qui concerne les pratiques de ''dumping'' en matière d'acier », a expliqué vendredi la première ministre ontarienne, Kathleen Wynne, de passage à Washington dans le cadre d'une mission économique conjointe avec le Québec. 

En commerce international, le « dumping » consiste à exporter dans un autre pays un produit pour un prix inférieur à ce qu'il serait vendu dans son propre marché. Cette pratique, considérée comme déloyale, est notamment interdite par l'Organisation mondiale du commerce (OMC). 

« [Nous produisons au Canada] un aluminium très bas en carbone et de très haute qualité. L'aluminium est également un métal stratégiquement important pour l'Amérique du Nord. Notre proposition est d'arrêter de faire des batailles [commerciales] sur cette question, mais de voir ça dans un intérêt stratégique nord-américain », a poursuivi le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, alors que le Canada exporte 80% de son aluminium aux États-Unis et que neuf des dix alumineries canadiennes sont basées au Québec, où on y trouve 10 000 travailleurs. 

Une question de sécurité 

Le président américain Donald Trump a récemment dit qu'il souhaite « garder les prix bas » de l'aluminium et de l'acier, mais qu'il voulait aussi s'assurer que son pays ait « une industrie de l'acier et une industrie de l'aluminium, [car] nous en avons besoin pour la défense nationale ». 

Aux États-Unis, les alumineries affichent un taux d'utilisation de 48%. Selon Jean Simard, président et chef de la direction de l'Association de l'aluminium du Canada, l'augmentation ces dernières années de la production chinoise a également maintenu les prix bas dans cette industrie, ce qui pourrait avoir contribué à ce que 9 des 14 alumineries américaines cessent leur production, expliquait-il récemment en entrevue avec « La Presse ».  

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, affirme avoir parlé il y a quelques semaines avec le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, de l'éventualité d'une stratégie continentale pour ces deux métaux. 

« Il faut réagir de façon unie comme un continent, en insistant par exemple sur la qualité et la basse teneur en carbone » de l'aluminium que l'on importe, a souligné M. Couillard. 

« Il faut le voir en termes de standards de qualité nord-américains », a ajouté Mme Wynne. 

Une mission en terre acquise 

Philippe Couillard et Kathleen Wynne termineront samedi leur mission économique conjointe à Washington, où ils font la promotion des bienfaits de l'ALENA pour l'économie nord-américaine. Samedi, ils rencontreront les gouverneurs du Vermont, de l'Oregon, du Massachusetts et du Kentucky dans le cadre de la rencontre hivernale de la National Governors Association (NGA). 

Vendredi, les deux premiers ministres ont participé à une table ronde de la Washington International Trade Association (WITA), animée par l'ex-représentante au Commerce des États-Unis, Susan Schwab. 

« [Les gens que l'on rencontre sont] favorables, dans l'ensemble, à l'accord de libre-échange nord-américain, mais il ne faut pas les prendre pour acquis. Il faut revenir et il faut répéter le même message. Le but est que le message se rende par les voies politiques jusqu'à l'administration présidentielle », a expliqué Philippe Couillard. 

« Je crois que le consensus [qu'il faut préserver l'ALENA] se fait de plus en plus large (...) et qu'il y a plus de voix qui s'élèvent pour dire qu'il faut préserver cette relation de partenariat », a poursuivi Kathleen Wynne.