Le Groupe Juste pour rire enclenche la recherche d'investisseurs pour racheter les parts de son ex-président et fondateur déchu, Gilbert Rozon. Quelle suite possible à une telle démarche ? La Presse Affaires en a discuté avec François Colbert, directeur de la Chaire de gestion des arts à HEC Montréal, un pôle renommé de formation et d'analyse en gestion d'entreprises culturelles.

Quel type d'acheteur serait préférable pour Juste pour rire ?

Au-delà de ce qui arrive avec son fondateur, Gilbert Rozon, il faut quand même considérer qu'il s'agit d'une entreprise qui a une bonne équipe de gestion et qui a développé un savoir-faire significatif dans son créneau du divertissement.

C'est une entreprise qui, vue de l'extérieur en tout cas, semble aller bien et être relativement solide. Et qui fait de bonnes affaires avec des productions que les gens veulent voir.

Cela dit, un acquéreur potentiel de Juste pour rire devrait respecter ce savoir-faire afin de préserver d'abord et de faire progresser ensuite cette entreprise dans laquelle il vient d'investir.

Idéalement, aussi, ça prendrait un ou des acheteurs qui connaissent déjà le secteur des entreprises culturelles. Parce qu'on ne peut pas s'improviser à ce niveau-là des arts et de la culture, où l'on doit gérer de nouveaux produits et du risque d'affaires en continu.

Est-ce que la marque Juste pour rire est entachée ?

Je ne suis vraiment pas sûr de ça, contrairement à ce que des gens ont dit ces derniers jours. Comme organisation, il me semble que Juste pour rire n'était déjà plus autant liée à la personnalité du fondateur et ex-président [Gilbert Rozon] qu'elle l'a déjà été auparavant.

La marque Juste pour rire (et Just for Laughs en anglais) avait déjà acquis une assez forte personnalité en soi. Et elle a sa propre valeur distincte de la réputation de son fondateur.

Dans ce contexte, je demeure plutôt confiant envers le changement d'actionnaires et une bonne continuité d'affaires pour le Groupe Juste pour rire.

Y a-t-il un risque de défection des artistes ?

C'est sûr que dans les entreprises culturelles, ce sont toujours les artistes qui constituent la pierre d'assise de leurs affaires. Chez Juste pour rire, évidemment, ce sont les humoristes et les comédiens en humour.

Si ces artistes ne renient pas le festival et les productions de Juste pour rire - et je ne vois pas pourquoi ils le feraient, d'ailleurs, après le départ de son fondateur et le changement d'actionnaires -, une organisation de cette ampleur a de bonnes chances de s'ajuster et de continuer à progresser.

Dans le cas contraire, si les artistes et humoristes décident de renier Juste pour rire pour de bon, ça pourrait nuire considérablement à la continuité de ses affaires et réduire la valeur de la marque à presque rien.

Quelle formule serait préférable ? Un acheteur unique ou en groupe ?

La bonne réponse à cette question est encore très incertaine. Que ce soit un acheteur unique ou un groupe d'acheteurs, ça peut bien fonctionner à condition qu'une bonne chimie s'installe rapidement entre eux et la haute direction de Juste pour rire.

Et pour générer cette bonne chimie, il faudra d'abord que le ou les prochains actionnaires, s'ils sont bien avisés, s'amènent en respectant l'équipe déjà en place.

Percevez-vous une pression d'échéancier ?

Pas dans l'immédiat, à mon avis. Toutefois, si l'on considère que Juste pour rire prépare déjà ses événements et ses productions de l'an prochain, il vaudrait mieux que son changement d'actionnaires ne traîne pas trop.

Et pour éviter de prolonger l'hésitation et les refus de participer des artistes des productions de Juste pour rire tant que M. Rozon en demeurera actionnaire.

En bref

JUSTE POUR RIRE EMBAUCHE LA BANQUE ROYALE

Le Groupe Juste pour rire confie à RBC Marchés des Capitaux le mandat « d'explorer plusieurs options » pour la vente du bloc d'actions majoritaire de son fondateur déchu, Gilbert Rozon.

QUELQUES CANDIDATS POTENTIELS

Groupe CH/Canadiens de Montréal - et ses filiales de production evenko (Centre Bell, Osheaga) et Spectra (Festival de jazz, FrancoFolies) ;

Québecor (la filiale Vidéotron est commanditaire majeur de Juste pour rire) ;

Claridge Investissement (déjà investie au Cirque du Soleil et chez Solotech, fournisseur technique de Juste pour rire) ;

Fonds de solidarité FTQ (a trois fonds spécialisés en PME du divertissement) ;

Caisse de dépôt et placement du Québec ;

Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD) ;

Investissement Québec.