Un projet américain baptisé « Mansfield Rule » a motivé Fasken Martineau à considérer au moins 30 % de candidatures féminines et de minorités visibles pour ses postes de haut niveau. Une tendance dans le milieu des cabinets d'avocats, qui se donnent de plus en plus de moyens pour arriver à la parité et à une plus grande diversité.

Un virage



Où sont les femmes et les membres issus de groupes ethniques au sommet des organigrammes des cabinets d'avocats ? Ils seront de plus en plus visibles, si on en juge par les efforts de plusieurs d'entre eux. En 2016, lors d'un événement (Diversity Lab) organisé notamment par l'Université Stanford, une trentaine de cabinets d'avocats américains ont décidé d'établir un seuil minimum à respecter quand vient le temps de combler des postes de haut niveau. 

Un cabinet canadien, Fasken Martineau, s'est joint à ce projet baptisé Mansfield Rule, du nom de la première avocate aux États-Unis : Arabella Mansfield. « Il est clair que, dans la profession, significativement plus d'hommes terminent comme associés », note Éric Bédard, associé directeur de la firme au Québec.

Si Fasken Martineau était déjà sensible à cette problématique, son dirigeant ne cache pas la nécessité de se donner un coup de pouce formel. « Instinctivement, on considère déjà beaucoup d'avocats des minorités visibles et de femmes, mais on ne le documentait pas et on ne le faisait pas de façon systématisée, explique M. Bédard. Il faut faire un effort. La Mansfield Rule nous oblige à toujours y penser et à essayer. Ça s'applique en termes de promotions et de postes décisionnels à combler. »

« Tant qu'on a des voeux pieux, il ne se passe rien, dit Caroline Codsi, présidente-fondatrice de La gouvernance au féminin. C'est plate à dire, mais il faut des contraintes. »

Plus de la moitié des CV



Suivre la règle de Mansfield sous-entend qu'on se fixe un objectif d'au moins 30 % quand vient le temps de pourvoir un poste. Un juste pourcentage, considérant que plus de la moitié des étudiants en droit sont des femmes et que la moitié des CV reçus en cabinets sont envoyés par des femmes ?

« Au Québec et au Canada, nous sommes en retard par rapport à l'Europe », constate Caroline Codsi. Elle indique qu'en France, la loi Copé-Zimmermann fixe un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises. « Elle a été mise en place de façon graduelle, dit-elle. Ça affecte même les sociétés privées aujourd'hui. »

« La Mansfield Rule est une bonne initiative, mais j'aurais vu un chiffre plus élevé pour les femmes et un autre pour les minorités visibles, ajoute Marie-Thérèse Chicha, professeure titulaire de la Chaire en relations ethniques de l'Université de Montréal. Dans la plupart des programmes d'équité, on les sépare, car les désavantages et obstacles sont différents. Les mettre ensemble, c'est méconnaître la situation réelle. »

40% chez Gowling



Cet objectif de 30 % constituerait déjà un plancher chez certains cabinets. « Au Canada, nous sommes à 39,9 % d'associées féminines, affirme Joëlle Boisvert, associée directrice de Gowling WLG. Mais il y a encore du chemin à faire, malgré l'ouverture des organisations. Elles doivent se questionner chacune. C'est facile de perdre ce focus et revenir en arrière. »

Pour autant qu'on soit réaliste dans la progression, à une époque où plusieurs générations se côtoient en cabinet, dont une plus vieille majoritairement masculine. 

« Ce sera moins vrai dans cinq ans, note Anik Trudel, chef de la direction de Lavery, qui compte 25 % de femmes associées. On est loin de la parité, mais ce chiffre permet une progression intéressante. Près de 65 % des femmes qui ne sont pas associées sont dans la génération montante. C'est un terrain fertile, mais il ne faut pas s'asseoir sur ses lauriers. Ce doit être un objectif clair, car aujourd'hui, la diversité est un élément-clé dans les transformations organisationnelles. »

La certification parité



À ce titre, Mme Trudel salue la « Certification Parité » pour les entreprises récemment mise sur pied par La gouvernance au féminin. « Une première au Canada, lance Caroline Codsi. Elle est notamment constituée d'un questionnaire en ligne en 40 points. C'est notre façon de répondre à ce besoin. »

« Il y a toutes sortes d'initiatives sur le marché, ajoute Anik Trudel. Je suis en train d'évaluer différents programmes, mais j'ai un faible pour la Certification Parité, car on a mis beaucoup de temps dans l'évaluation du programme. »

Photo André Pichette, Archives La Presse

Éric Bédard, associé directeur de Fasken Martineau au Québec