Les négociations entre l'Alliance syndicale et les parties patronales dans l'industrie de la construction ont repris aux tables sectorielles, à 14 h et 15 h vendredi, alors que les discussions qui ont eu cours sur les clauses communes à tous les secteurs, jeudi soir et vendredi matin, n'ont pas porté fruit.

Pendant ce temps, la grève qui concerne les 175 000 ouvriers de la construction du Québec, dans les secteurs résidentiels, génie civil et voirie, de même qu'institutionnel, commercial et industriel, en est à sa troisième journée.

Ces négociations de la dernière chance, menées en présence de conciliateurs nommés par le ministère du Travail, se déroulent alors que le premier ministre Philippe Couillard a prévenu qu'il enclencherait lundi prochain le processus menant à l'adoption d'une loi spéciale pour forcer le retour au travail. Le compte à rebours est donc commencé.

Clauses communes

Les négociations à la table centrale - où sont discutées les questions des assurances, du régime de retraite et des congés - qui avaient repris jeudi soir ont duré jusqu'à 3 h 30 vendredi matin.

Ces négociations ont été « un échec », a tranché le porte-parole de l'Alliance syndicale, Michel Trépanier, au cours d'une entrevue vendredi après-midi.

Et pour lui ce « tronc commun est un élément extrêmement important pour nos travailleurs » puisqu'il concerne tous les secteurs de l'industrie.

Du côté patronal aussi, on confirme que ces négociations sur les clauses communes à tous les secteurs n'ont rien donné. « Ces négociations-là se sont terminées cette nuit, à 3 h 30. Elles ont donné peu de résultats. Nos représentants qui étaient à la table du tronc commun sur ces enjeux-là ont senti qu'ils ont perdu leur temps », a rapporté le responsable des relations avec les médias à l'Association de la construction du Québec, Éric Côté.

Contrairement au secteur public, dans l'industrie de la construction la question des salaires est discutée aux tables sectorielles, et non à la table centrale, puisque les salaires diffèrent légèrement selon le secteur de l'industrie.

Les discussions sur les clauses propres à chaque secteur ont donc repris à 14 h ou 15 h, selon le secteur de l'industrie.

M. Trépanier, de l'Alliance syndicale, se croise les doigts. « J'espère qu'on va être capable de sortir de là avec une entente négociée dans tous les secteurs, pour tous nos travailleurs de l'industrie de la construction. »

Il s'est dit prêt à négocier jour et nuit, s'il le faut, et tout le week-end, afin d'éviter la loi spéciale lundi. « Nous, notre engagement est formel, 24 heures sur 24, au besoin. On va mettre tous les efforts. Si ça prend toute la fin de semaine, ça prendra toute la fin de semaine », a conclu M. Trépanier, vendredi après-midi.

Les principaux points en litige sont la conciliation travail-famille, les heures supplémentaires et les salaires.

L'Alliance syndicale regroupe, par ordre d'importance, la FTQ-Construction, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International), le Syndicat québécois de la construction, la CSD-Construction et la CSN-Construction.

À Québec, le chef péquiste Jean-François Lisée a blâmé le premier ministre Couillard et sa ministre du Travail, Dominique Vien, pour leur « mauvaise gestion de ce processus de négociation ».

« La ministre a été absente et inactive trop longtemps », a critiqué le chef de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale. Et « la menace d'une loi spéciale a été introduite beaucoup trop tôt ». Effectivement, le gouvernement avait évoqué une possible loi spéciale pour forcer le retour au travail avant même que la grève soit déclenchée.

Des plaintes

Du côté de la Commission de la construction du Québec, qui encadre l'industrie, on rapporte quelques signalements ou plaintes reliés à la grève, mais la responsable des relations avec les médias, Mélanie Malenfant, n'a pu en évaluer le nombre.

C'est que même s'il y a eu un vote de grève fortement majoritaire, soit entre 93 et 95 %, selon le secteur, chaque ouvrier n'est pas tenu de respecter le mot d'ordre de grève, contrairement aux autres secteurs d'activités. Il s'ensuit parfois des frictions entre les ouvriers, lorsque certains décident de rentrer au travail malgré le mot d'ordre de grève.

L'industrie de la construction n'est pas couverte par les dispositions antibriseurs de grève du Code du travail - communément appelées Loi antiscabs. Protéger le droit de grève par ces dispositions est d'ailleurs une revendication de longue date des syndicats présents dans l'industrie.

Les ouvriers qui débraient peuvent tenter de convaincre leurs collègues qui entrent au travail de la justesse de leur cause, mais ils ne peuvent aller jusqu'à user de menace ni d'intimidation.

S'il y a menace ou intimidation, il peut y avoir plainte ou signalement. La Commission de la construction mènera alors une enquête - ce qui prend un certain temps, a rappelé Mme Malenfant. Si la plainte est fondée, le dossier peut ultimement être porté devant le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Les amendes vont de 1000 $ à 11 000 $ par jour, a-t-elle précisé.