Le fait de pouvoir acheter plus facilement une bière européenne qu'une bière de microbrasserie québécoise dans les succursales de la Société des alcools du Québec (SAQ) tire peut-être à sa fin.

Après avoir amélioré son offre de vins québécois, la société d'État se dit maintenant prête à entreprendre la même démarche avec les bières de microbrasseries d'ici.

« Le mouvement est déjà commencé », a soutenu le président et chef de la direction Alain Brunet pendant la commission parlementaire chargée de l'étude des crédits budgétaires, mardi. Il a donné l'exemple des Brasseurs du Nord, qui offrent depuis décembre la bière Polaire en exclusivité à la SAQ, ce qui donne des résultats « intéressants ».

« On s'est positionnés dans le marché pour être une destination. [...] Oui, on veut faire de la place à la bière d'ici », a soutenu M. Brunet, lorsqu'interrogé sur le sujet par le député de Portneuf, le libéral Michel Matte.

INTÉRÊT ET CONDITIONS

La SAQ s'est toujours défendue d'être fermée aux microbrasseries québécoises mais, dans les faits, elle en vend bien peu. Sur le site SAQ.com, les consommateurs ont accès à seulement une vingtaine de produits québécois sur les 106 bières figurant au répertoire. Outre la Boréale, les produits Alchimiste, Charles-Henri et Joe Beef apparaissent au catalogue.

« C'est sûr qu'on est intéressés à placer nos produits à la SAQ, dit David Cayer, chef de l'exploitation de la microbrasserie Glutenberg. C'est un réseau de distribution qui nous permettrait d'entrer dans des régions du Québec où l'on vend moins. »

Dans le passé, les démarches de M. Cayer pour entrer dans les succursales se sont butées à l'exclusivité que demandait la société d'État. « Nous produisons un minimum de 4000 litres à la fois. Si on nous demande l'exclusivité et que la SAQ ne garantit aucun volume de ventes, ça devient trop risqué pour nous », explique-t-il.

L'ancien chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, avait critiqué le monopole d'État sur la faible place laissée aux pale ale et lagers québécoises en janvier 2015. À la même époque, l'Association des microbrasseries du Québec critiquait l'attitude de la SAQ à l'endroit de ses membres.

La marge de profit du distributeur pose aussi problème pour d'autres. La marge de 100 % que s'est prise la SAQ sur le prix coûtant a rendu l'opération totalement inintéressante pour la brasserie Archibald qui a rompu en 2014 ses liens d'affaires avec la SAQ, après y avoir été distribuée pendant près de trois ans.

LA SAQ OUVERTE AUX OFFRES

Questionnée par La Presse sur ce que la société d'État entend faire de différent désormais, la SAQ a d'abord rappelé que c'est la loi qui dicte cette condition d'exclusivité. L'entreprise exprime toutefois un réel désir de faire croître la catégorie bière du Québec, insiste Anne-Sophie Hamel, directrice des affaires publiques. Elle précise que la SAQ accueillera avec grand intérêt les propositions de la part des microbrasseurs québécois, avec lesquels, par ailleurs, elle peut s'entendre de gré à gré, sans passer par des appels d'offres.

« Nous souhaitons donc que la réponse positive de notre clientèle [pour la Boréale édition Polaire] mène d'autres brasseurs à voir la SAQ comme étant un réseau de vente à considérer. D'autres approches sont également à prévoir auprès de microbrasseurs québécois afin de poursuivre dans cette voie », a écrit Mme Hamel dans un courriel.

Les Brasseurs du Nord n'ont pas rappelé La Presse.