Pour la majorité d'entre nous, infrastructure est synonyme de bris, de chantiers ou de cônes orange.

Pourtant, rares sont ceux et celles capables de bien cerner l'étendue et la profondeur qu'il faut donner à ce terme générique.

S'agit-il seulement de routes, de ponts, de viaducs, de ports, d'aéroports, de voies ferrées ou de traversiers ? Faut-il y inclure les égouts, les aqueducs, gazoducs et autres pipelines, les réseaux de distribution électrique, de câbles, de fils de téléphone et de fibres optiques ? Les bibliothèques, centres sportifs, écoles, hôpitaux, musées, palais de justice, parcs et pénitenciers ?

Tout ça en fait partie, et bien plus encore, constate-t-on à la lecture de l'ouvrage Le Québec économique 6 - Le défi des infrastructures.

Sous la direction de Marcelin Joanis, près d'une trentaine de chercheurs étudient un à un les nombreux aspects et défis des infrastructures.

Comment d'abord en faire l'inventaire quand ils appartiennent tantôt au secteur public (égouts, aqueducs, etc.), privé (chemins de fer, fibre optique, câble), aux deux (écoles, hôpitaux, aéroports) ou sont partagés en partenariat (autoroutes, ponts, hôpitaux) ?

Comment s'assurer de leur entretien dans l'intérêt public, communiquer les bris ou, mieux, les prévenir quand il n'existe pas d'état des lieux pour chaque type d'infrastructures ?

Il est ainsi aberrant de constater que la majorité des ruptures d'égout ou de conduites d'eau sont causées non pas par la vétusté des réseaux, mais par de la construction privée : les réseaux souterrains ne sont souvent pas cartographiés et, quand ils le sont, l'information est peu ou pas disponible.

Comment aussi s'assurer de leur financement et de leur entretien adéquat quand, par exemple, le gouvernement fédéral possède seulement 1,8 % des infrastructures publiques canadiennes, les gouvernements provinciaux 41,4 % et les municipalités 56,8 %, alors que le pouvoir de taxation est inversement proportionnel ?

Comme le rappellent judicieusement Roger Galipeau et Serge Pourreaux, « le déficit d'entretien est un passif financier non comptabilisé » qu'il faudra bien payer un jour et sans doute plus cher. Ils évaluent à environ 60 milliards le déficit d'entretien du Québec et de ses municipalités.

Beaucoup de choix

Comment aussi faire des choix adéquats dans la construction de nouvelles infrastructures puisque les fonds publics sont limités et que l'endettement élevé du Québec dicte la prudence ? Ainsi, vaut-il mieux ajouter 200 millions aux infrastructures d'éducation ou financer la construction d'un amphithéâtre pour attirer ou ressusciter une équipe de hockey de la Ligue nationale ?

À cet exemple à ne pas répéter que n'ont pas osé relever les chercheurs, il existe heureusement quelques initiatives plus porteuses comme le plan d'électrification des transports routiers et ferroviaires.

La commission Charbonneau a bien mis en lumière le risque de corruption dans la construction et l'entretien des infrastructures. Les accords de libre-échange récents ouvrent en outre la voie à de la concurrence internationale dans les marchés publics. Cela suppose un cadre juridique clair et transparent dans le processus d'appels d'offres et d'attribution des contrats afin de ne pas répéter, par exemple, les mauvaises expériences des deux mégahôpitaux universitaires de Montréal.

Regard vers l'avenir

Une section entière de l'ouvrage est consacrée aux enjeux technologiques. À eux seuls, ils représentent une nouvelle famille d'infrastructures riches en potentiel de croissance et en écueils. L'internet des objets (IdO) permet la gestion de dispositifs, de protocoles, de réseaux sans fil et l'analyse de données dans toutes les sphères d'activités économiques et sociales.

Le repérage par GPS en est l'illustration la plus évidente peut-être, mais il peut aussi s'agir de gestion de l'humidité des sols en agriculture, la localisation de camions ou de bateaux dans un réseau de distribution ou de transport, de tableaux de bord pour la fabrication de produits complexes, de vêtements intelligents ou de domotique.

L'avenir réserve une multitude d'applications d'IdO qui ne connaîtront pas de frontières, mais qui posent des défis logistiques considérables.

Dans ce domaine en pleine expansion, le Canada s'est doté d'un plan, rappellent Diane Riopel et Andrés Ardila. Canada numérique 150, c'est son nom, ouvre quatre chantiers du numérique : faire du Canada un pays branché et un pays numérique protégé, développer des possibilités économiques, rendre le gouvernement numérique et mettre en ligne un contenu historique canadien.

Autant de chantiers emballants, mais notent aussi les chercheurs, seulement 12 % des entreprises québécoises des principaux secteurs commerciaux et industriels offrent et vendent leurs produits ou leurs services par internet.

C'est un grand retard que les infrastructures, si performantes soient-elles, ne pourront combler à elles seules. L'ère des patenteux est terminée.

Le Québec économique 6 - Le défi des infrastructures

• Collectif sous la direction de Marcelin Joanis

• CIRANO et PUL

• 453 pages

image fournie par l'éditeur