Les grands brasseurs ne digèrent toujours pas le rapport de la commission Godbout, sept mois après sa parution.

La recommandation est passée inaperçue, mais le rapport sur la réforme de la fiscalité propose au gouvernement d'aller chercher des revenus additionnels de 210 millions par an en augmentant la taxe sur la bière de 7,8 cents le litre chaque année jusqu'en 2020.

De façon générale, la Commission présidée par l'économiste Luc Godbout cherche à éliminer les mesures fiscales profitant à une minorité de contribuables afin de financer une baisse du taux d'impôt sur le revenu.

Dans le cas de la bière, la hausse proposée est de 0,39 $ par litre sur cinq ans. Si cette recommandation est appliquée, la taxe sur la bière sera passée de 40 cents par litre, en 2011, à 1,02 $ en 2020, soit une hausse de 155 % en moins de 10 ans. Elle est actuellement de 0,63 $ par litre.

Les grands brasseurs, regroupés au sein de l'Association des brasseurs du Québec (ABQ), soutiennent qu'une hausse d'une telle ampleur ne pourra être refilée aux consommateurs en raison du caractère concurrentiel du marché de la bière au Québec.

Le porte-parole de l'industrie brassicole souligne que les trois grands ont collectivement investi 300 millions en nouveaux équipements dans leurs installations québécoises depuis 2008.

Il rappelle que la province s'est bien tirée d'affaire lors de la première vague de consolidation du marché de la bière consécutive à l'entrée en vigueur de l'accord sur le commerce intérieur de 1994. En 2015, 33 % de l'industrie canadienne est au Québec.

M. Léger Bourgoin déplore que le rapport Godbout propose de taxer davantage la bière, mais pas le vin ni les spiritueux, des industries pourtant moins présentes au Québec que l'industrie brassicole. La bière contribue pour 1 milliard par an à l'économie du Québec, fait-il valoir.

« L'industrie brassicole demeure dominante au Québec et on aimerait que le gouvernement le reconnaisse », dit le DG de l'ABQ.

Taxe plus basse qu'en Ontario

Dans son rapport, la commission Godbout note que le taux de taxe sur la bière à 0,63 $ par litre est plus bas qu'en Ontario. « Le prix observé dans les juridictions limitrophes, incluant les taxes, permettrait une augmentation additionnelle dans le cas de la bière », lit-on dans le volume 2 du rapport. De plus, la bière, taxée à 0,63 $ par litre, reste moins taxée que les spiritueux et le vin, tous deux assujettis à un taux de 1,40 $ par litre.

« Si on veut comparer le prix de la bière au Québec et en Ontario, rétorque l'ABQ, il faut regarder la structure de prix au complet, pas juste les taxes. » Par exemple, la bière coûte beaucoup plus cher à distribuer au Québec avec ses 7000 points de vente qu'en Ontario avec 1330 points de vente. Pour cette raison, la distribution et la commercialisation coûtent environ 70 % plus cher au Québec qu'en Ontario.

Microbrasseurs: le taux réduit en péril?

David Cayer, de la Brasserie Glutenberg, membre de l'Association des microbrasseries du Québec, partage les préoccupations des géants de son industrie. Les microbrasseries profitent d'une réduction de la taxe spécifique en fonction de leur taille. Pour Glutenberg, fabricant de bières sans gluten, la réduction est de 67 %. Or, le rapport Godbout recommande l'abolition de cette réduction. « On paie aujourd'hui une taxe d'environ 21 cents par litre. Godbout propose que l'on paie presque cinq fois plus en 2020. On sera incapables de payer ça », dit-il, au téléphone.

Le lobby des grands brasseurs a demandé par écrit au gouvernement québécois de se prononcer publiquement contre la hausse de la taxe spécifique sur la bière. Il a d'ailleurs déposé un mémoire en septembre dans le cadre de la commission parlementaire chargée de l'étude du rapport Godbout. Il n'a malheureusement pas pu se faire entendre à cette occasion. Il attend toujours la réponse du gouvernement.