Le transport du pétrole par rail a continué de croître de manière importante au Canada, l'an dernier, et le fera encore l'an prochain, si l'on en croit le rapport annuel de l'Association canadienne des producteurs de pétrole (ACPP). Un document qui révèle que l'industrie prévoit une baisse de croissance marquée en raison de la chute des prix du pétrole.

La production canadienne révisée à la baisse

La chute des prix du pétrole observée depuis l'an dernier continuera de toucher l'industrie des sables bitumineux, prévoit l'ACPP. Elle anticipe une production de 5,3 millions de barils par jour en 2030. C'est 1,1 million de barils de moins par jour que ses prévisions de l'an dernier. Jean-Thomas Bernard, spécialiste des questions énergétiques et professeur à l'Université d'Ottawa, y voit un indice que la baisse des cours du brut sera durable. « La vision actuelle, c'est que ça va très probablement se maintenir pour cinq ou six ans, note le chercheur. On ne pense pas qu'il va y avoir un rebond très rapide. »

Le transport de pétrole par rail encore en hausse

Au moment où le plan d'indemnisation de 430 millions pour les victimes de Lac-Mégantic a été adopté, hier, le rapport de l'ACPP a révélé que le nombre de chargements de pétrole par rail en provenance de l'Ouest avait crû de 14 % en 2014. Quelque 185 000 barils de l'Ouest canadien ont été déplacés par train chaque jour en 2014. L'ACPP s'attend à ce que cette quantité passe à 200 000 barils par jour en 2015 et à 250 000 barils par jour en 2016. On pourrait atteindre jusqu'à 600 000 barils par jour en 2018 si Washington persiste à bloquer l'oléoduc Keystone XL.

Les pipelines plus nécessaires que jamais

Même si la hausse de la production pétrolière va ralentir, l'expansion du réseau de pipelines est impérative, selon l'ACPP. Divers projets sont sur la table, notamment Keystone XL vers les États-Unis, Northern Gateway et Trans Mountain vers la Colombie-Britannique, ainsi qu'Énergie Est vers le Québec et le Nouveau-Brunswick. « Au moins un nouveau projet de pipeline est nécessaire à très court terme pour accommoder la hausse de la production », peut-on lire dans le rapport.

Les raffineries importent du pétrole américain

Selon les partisans des pipelines, la construction d'oléoducs vers le Québec permettra d'éviter aux raffineries de s'approvisionner auprès de régimes politiques peu recommandables. Or, le rapport de l'ACPP révèle que les importations de brut américain ont doublé dans l'Est canadien depuis un an, au point que les États-Unis sont désormais le premier fournisseur. « Du pétrole brut en provenance de la formation de Bakken au Montana et au Dakota-du-Nord a été transporté par rail aux raffineries du Québec et à celle de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick », précise le rapport. L'apport du pétrole canadien est appelé à croître avec l'inversion du pipeline 9B d'Enbridge, qui desservira Montréal.

Des projets mineurs au Québec

Le Canada est assis sur les troisièmes réserves de pétrole au monde, derrière l'Arabie saoudite et le Venezuela. Sur 173 milliards de barils dans le sous-sol canadien, 167 se trouvent en Alberta. L'essentiel de la production de l'Est se situe au large de Terre-Neuve. Le rapport de l'ACPP relève en passant l'exploration pétrolière sur l'île d'Anticosti et des découvertes en Gaspésie, mais ne fait pas état du potentiel de ces régions. Les producteurs québécois notent que la production en Ohio et en Pennsylvanie est de bon augure, puisqu'on y trouve le même type de roche - le « Shale d'Utica » - que sur l'île Anticosti.

La question climatique ne pèse pas lourd

La Conférence de Paris sur les changements climatiques approche à grands pas. Les pays du G7 se sont engagés à réduire de 40 à 70 % leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Mais les producteurs de pétrole ne semblent pas s'en inquiéter outre mesure. Le mot « climat » n'apparaît pas une seule fois dans le rapport de 55 pages, qui ne contient aucune allusion à une éventuelle tarification du carbone. « Il est très clair que c'est un sujet dont ils veulent éviter de parler, d'autant qu'il y a un mouvement massif de désinvestissement dans les combustibles fossiles, comme l'a fait récemment le fonds souverain de la Norvège », a noté le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin.