Moins d'un an après avoir signé une entente de 219 millions de dollars sur 10 ans avec la Formule 1, le gouvernement du Québec fera une première étude complète des retombées économiques du Grand Prix du Canada, a appris La Presse.

Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement du Québec a lancé un appel d'offres pour réaliser une étude pour mesurer «l'impact économique du Grand Prix du Canada». Pour la première fois, le gouvernement du Québec fera une étude de retombées économiques basée sur les données réelles tirées des spectateurs du Grand Prix. Environ 5000 spectateurs seront recrutés pour un sondage mené après l'événement.

Depuis 2009, le ministère des Finances du Québec estime les retombées économiques du Grand Prix à 89 millions. Le ministère a fait ses calculs en se basant sur les données recueillies par Tourisme Montréal, mais l'organisme touristique n'assume pas la responsabilité de ces données, qu'il a recueillies dans des conférences de presse, des déclarations publiques et auprès du promoteur de l'événement. Le gouvernement fédéral, lui, estimait l'été dernier l'impact économique du Grand Prix à 71 millions.

La nouvelle étude de retombées économiques survient alors qu'Ottawa, Québec et Montréal ont conclu l'an dernier une entente de 10 ans avec la Formule 1 pour la présentation du Grand Prix du Canada. Les gouvernements paieront 186,7 millions sur dix ans, et la Ville de Montréal fera des rénovations au site pour 32,6 millions.

Pourquoi ne pas avoir fait une étude de retombées économiques plus complète avant de s'entendre avec la F1? «C'est une demande du milieu touristique depuis plusieurs années. L'important, c'est qu'on le fait maintenant», dit l'attachée de presse de la ministre du Tourisme Dominique Vien, Cynthia St-Hilaire. Tourisme Québec prépare aussi un guide pour uniformiser les études de retombées économiques des festivals, et cet appel d'offres servira de test pour les nouvelles normes à l'étude.

33 millions à Melbourne

En Australie, une étude réalisée en 2011 par la firme Ernst&Young a conclu que le Grand Prix à Melbourne générait des retombées de 32,6 millions. Les deux événements sont pourtant similaires (environ 300 000 spectateurs, 30% des visiteurs à l'extérieur de l'État de Victoria et 40% de visiteurs hors Québec).

L'étude sur les retombées du Grand Prix du Canada sera financée à parts égales par Tourisme Québec, Tourisme Montréal et Groupe de course Octane, le promoteur local du Grand Prix. «Ce qui est important pour nous, c'est d'avoir des chiffres sur lesquels on peut se baser. Peu importe ce qui s'est fait par le passé, nous voulons de la crédibilité. C'est important d'avoir des chiffres fiables pour ce que nous voulons bâtir, pour nos annonceurs et nos partenaires», dit Louis-Philippe Dorais, conseiller stratégique au président et chef de presse du Groupe de course Octane.

Le Regroupement des événements majeurs internationaux (RÉMI), qui ne compte pas le Grand Prix du Canada parmi ses membres, se réjouit de la décision de faire une étude plus complète.

«Au cours des dernières années, beaucoup de chiffres ont été lancés, ça allait du simple au triple, dit Martin Roy, PDG du RÉMI. Il me semble assez évident que les retombées vont être supérieures à l'argent investi par les gouvernements, mais ça pourrait démontrer que le Grand Prix n'est pas dans une catégorie à part comme on semble le penser dans certains cercles. D'autres événements comme le Festival de jazz peuvent se comparer à certains égards avec le Grand Prix, et Osheaga attire 67% de touristes de l'extérieur du Québec.»

Par le passé, plusieurs économistes ont été critiques envers le chiffre de 89 millions pour les retombées économiques du Grand Prix tel que calculé par Québec - surtout comparé aux retombées de 32,6 millions en Australie. Professeur de comptabilité financière à l'Université Concordia, Michel Magnan estimait que l'écart entre les deux chiffres «a l'effet d'une douche froide». «Réaliser une étude plus étoffée pour quantifier les retombées économiques du Grand Prix est certes une bonne idée, mais la seule motivation que je peux voir est de légitimer rétroactivement la décision prise [par les gouvernements]», dit M. Magnan.

«C'est évident qu'on aurait dû faire l'étude avant qu'on fasse une entente de 10 ans avec la Formule 1. Oui, l'impact économique du Grand Prix est grand, mais ça n'a pas de bon sens qu'on n'ait pas fait ce genre d'études auparavant», dit l'économiste Jean-Marc Bergevin, qui calcule les retombées à environ 58 millions, principalement sur la base des données utilisées par le gouvernement du Québec.