Le Cirque du Soleil n'est pas devenu moins québécois du jour au lendemain parce que des fonds d'investissements étrangers détiennent maintenant une participation majoritaire dans l'entreprise, croit son fondateur, Guy Laliberté.

C'est surtout parce qu'il a été rassuré par l'engagement de ses partenaires de maintenir le siège social montréalais que M. Laliberté a décidé de vendre la société afin, selon lui, d'en assurer la pérennité.

Au cours d'une longue conférence de presse, lundi, il a voulu «dédramatiser» l'arrivée d'intérêts étrangers au Cirque du Soleil en rappelant que les Américains possédaient des parts importantes dans des fleurons comme Alimentation Couche-Tard, Bombardier et la brasserie Molson.

«Est-ce que cela fait en sorte qu'elles ne sont pas des entreprises québécoises qui ont une personnalité propre? Non», a-t-il dit.

Âgé de 55 ans et père de cinq enfants, M. Laliberté a également été motivé dans sa démarche par les perspectives de croissance en Asie ainsi que par des décisions qualifiées de «familiales» par le principal intéressé.

«Je ne suis pas quelqu'un qui croit beaucoup dans la deuxième génération d'entrepreneurs, a dit le principal intéressé. Je n'avais pas envie, en partant, de leur mettre de la pression quant à l'avenir du Cirque.»

M. Laliberté a cédé 60 % de sa participation à la firme d'investissement américaine TPG Capital ainsi que 20 % à Fosun Capital Group, une firme chinoise. La Caisse de dépôt et placement du Québec met la main sur une participation de 10 %, soit la même que conserve le fondateur du Cirque du Soleil.

«J'ai envie de vivre d'autres défis, a-t-il expliqué. Je voulais m'assurer de la pérennité du Cirque et je voulais aussi en même temps avoir le droit de mourir avec. J'ai envie de passer le restant de mes jours à être capable de vivre avec le Cirque.»

La transaction - dont la valeur devrait osciller aux alentours de 1,5 milliard $ - comprend la part de 10 % que détenait la société privée Dubai World depuis 2008.

Toute l'équipe de direction conserve ses fonctions. Daniel Lamarre demeure président et chef de la direction et l'homme d'affaires québécois Mitch Garber, qui investit également, présidera le conseil d'administration.

Pour M. Lamarre, cette transaction représente en quelque sorte «le meilleur des deux mondes», puisque le siège social, où travaillent plus de 1400 personnes, demeure dans la métropole et que le Cirque peut aspirer à percer le marché asiatique.

«Guy vient de donner un levier de développement incroyable à son entreprise», a-t-il dit.

M. Laliberté a estimé que les négociations, qui se sont conclues vendredi dernier, se sont bien déroulées. Plus de 94 groupes avaient été invités à prendre connaissance des données du Cirque afin de potentiellement soumettre une offre.

Même s'il n'a pas obtenu de confirmation écrite, le fondateur du Cirque a répété à maintes reprises avoir été rassuré par l'engagement de TPG Capital à maintenir les activités de l'entreprise au Québec.

«TPG comprend que la créativité québécoise est l'ADN du Cirque, a renchéri M. Garber. Guy n'aurait pas accepté de leur vendre (la participation majoritaire) dans l'éventualité où le siège social aurait été déplacé.»

En employant un ton humoristique, M. Laliberté s'est par ailleurs permis de critiquer certaines caricatures suggérant que le Cirque avait «vendu son âme» lorsque des rumeurs de vente étaient évoquées dans les médias au cours des dernières semaines.

«Nos infrastructures culturelles sont ici, a-t-il martelé. Pourquoi avons-nous aussi peur de perdre cette identité? Est-ce que vous savez combien il en coûterait pour construire un (siège social) comme celui-ci ailleurs pour ensuite tout déménager?»

La transaction devrait permettre au Cirque de mettre le pied en Asie, un marché que l'entreprise a été incapable de percer au cours des 12 dernières années.

La direction du Cirque croit que les choses devraient être différentes cette fois-ci puisque la société pourra compter sur un partenaire local en Fosun Capital Group pour doubler la taille de ses activités en territoire asiatique.

«Nous avons un partenaire qui connaît bien le marché et qui a d'importantes ramifications en Asie, ce qui augmente nos chances, a dit M. Lamarre. Nous avons fait nos devoirs et pensons que le marché est prêt pour nous.»

À Montréal, le premier ministre Philippe Couillard, qui avait publiquement incité le fondateur du Cirque du Soleil à s'assurer de conserver les activités de l'entreprise au Québec, s'est montré rassuré.

«Il a entendu le message des Québécois, a-t-il dit, en marge d'un discours prononcé devant le Conseil du patronat du Québec. Il s'est impliqué dans les négociations afin que le siège social et les activités demeurent à Montréal.»

Fondé en 1984, le Cirque du Soleil a présenté des spectacles devant plus de 160 millions de spectateurs, dans plus de 330 villes ainsi que 48 pays.