L'équilibre budgétaire paraît à portée de main après six déficits d'affilée, mais il faudra une poigne de fer pour l'atteindre en 2015-2016.

ANALYSE

Le succès du budget de 100,16 milliards de dollars présenté jeudi par le ministre des Finances Carlos Leitao repose sur deux hypothèses plausibles mais hardies: une croissance économique réelle de 2 % et la limitation à 1,2 % de celle des dépenses de programmes des ministères que s'engage à livrer le président du Conseil du trésor Martin Coiteux.

D'ici à la fin de la décennie, l'augmentation moyenne des dépenses de programmes sera de 2 %. L'objectif est de les faire progresser moins vite que ne grossit l'économie, avec pour résultat qu'elles équivalent à 24,1 % du produit intérieur brut (PIB) en 2019-2020, soit le même pourcentage qu'à la veille de la récession.

À noter qu'il n'existe aucune provision pour éventualités durant 2015-2016, mais le ministre Leitao prévoit une allocation de 400 millions à cette fin pour les exercices suivants. Cette mesure de prudence se veut l'incarnation d'une «conscience aiguë de l'obligation [...] de léguer aux générations qui suivront une société meilleure», a soutenu le ministre, qui préfère «bâtir l'avenir plutôt que de le subir».

Son collègue Coiteux a renchéri en martelant que le budget dénoncé par des associations étudiantes pour son austérité était conçu pour la jeunesse et jetait les bases d'une «rénovation de l'État».

Pour l'exercice qui prend fin mardi, le déficit est estimé à 2,35 milliards, identique à ce qui avait été annoncé dans le minibudget du 2 décembre. On aura à l'automne les résultats définitifs. On sait déjà par contre que, pour y arriver, le gouvernement aura pu compter de nouveau sur un service de la dette de 419 millions moins élevé en raison de la baisse opportune des taux d'intérêt obligataires.

Cette économie, ainsi que des paiements de transfert fédéraux un peu plus élevés, permettent de financer les quelques mesures annoncées par le ministre qui entrent en vigueur en 2015. Il y en a pour 121 millions.

Fait inquiétant, les revenus autonomes sont estimés à 317 millions de moins qu'en décembre, confirmant la tendance observée depuis quelques années de prévisions trop optimistes. Ils ont néanmoins progressé de 3,5 % par rapport à l'exercice précédent.

Pour 2015-2016, Québec compte sur une augmentation de 4,4 % de ses revenus autonomes, soit au moins un point de pourcentage de plus que ce qu'il attend pour chacune des quatre années suivantes.

La hausse des revenus autonomes repose sur l'hypothèse d'une croissance du produit intérieur brut nominal (en dollars courants) de 3,8 %. Il s'agit d'un chiffre plutôt élevé que Québec justifie par la chute du prix du pétrole, susceptible de bonifier la balance commerciale de 3,7 milliards, et par la vitalité de l'expansion américaine, capable de soutenir une nouvelle progression des exportations.

Québec pourra sans doute compter encore une fois sur une augmentation moins rapide du service de la dette, qu'il évalue à 10,48 milliards, soit 150 millions de plus que pour 2014-2015.

La baisse des taux d'intérêt obligataires a permis à Québec de financer ses six déficits (16 milliards en tout) depuis 2009-2010 et son programme de renouvellement des infrastructures à des taux plus avantageux que prévu. En 2013, le taux d'intérêt moyen payé était de 4,0 %. L'an dernier, c'était 3,91 %. Cela fait une grosse différence quand on considère que la dette brute s'élève à un peu plus de 206 milliards, ce qui correspond à 54,9 % de la taille de l'économie.

Même si elle doit augmenter de 3,7 milliards en cours d'année à cause des investissements en infrastructures, son poids relatif diminuera pour la première fois depuis la récession. À la fin de l'exercice 2015-2016, Québec prévoit que le poids de la dette sera ramené à 54,0 % et maintient l'objectif de la faire passer sous les 50 % au tournant de la décennie.

Cela présume aussi des dépôts de 12,5 milliards au Fonds des générations durant la période.

DETTE BRUTE AU 31 MARS

(en pourcentage du PIB) 2009: 50,3

2015: 54,9

2016: 54,0

2020: 49,4

Source: Ministère des Finances du Québec