Encore ébranlé par les accusations de fraude et de corruption déposées contre SNC-Lavalin (T.SNC) le mois dernier, le PDG de la multinationale montréalaise, Bob Card, espère convaincre la Couronne de négocier un règlement à l'amiable.

«Nous avons fait de notre mieux pour obtenir un autre processus [que le dépôt d'accusations] et nous allons continuer de faire de notre mieux pour qu'il en soit ainsi. C'est ma priorité de jour comme de nuit. Ne jamais abandonner, c'est ma devise et j'ai bon espoir que nous y arriverons», a-t-il déclaré jeudi au cours d'une téléconférence avec les analystes financiers.

Selon la Gendarmerie royale du Canada, SNC-Lavalin aurait corrompu des agents publics libyens avec des pots-de-vin totalisant 47,7 millions entre 2001 et 2011. La police fédérale enquête également sur des projets auxquels SNC a pris part dans d'autres pays d'Afrique du Nord et au Bangladesh.

Dans des documents publiés jeudi, le géant de l'ingénierie souligne que s'il devait être reconnu coupable, il pourrait perdre le droit de décrocher des contrats du gouvernement fédéral et des provinces, ce qui «pourrait avoir une incidence défavorable significative» sur ses activités, sa situation financière et sa valeur boursière.

M. Card a tenu à rappeler que d'autres pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont une approche différente dans les affaires de corruption. «Les partenaires économiques du Canada concluent des accords assortis de conditions [avec les entreprises fautives], ce qui permet aux gouvernements d'obtenir ce qu'ils recherchent, c'est-à-dire d'envoyer le bon message tout en protégeant l'économie et les témoins innocents, a-t-il expliqué. Nous espérerions certainement que le Canada adopte une telle position.»

Le président exécutif du conseil de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques, Yvan Allaire, a récemment exprimé une opinion semblable. De son côté, la PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Françoise Bertrand, a estimé que le cadre législatif canadien en matière de corruption internationale «nuit à la compétitivité de nos entreprises».

Le grand patron de SNC-Lavalin a toutefois précisé que les accusations n'avaient pas encore eu d'effet notable sur les activités de l'entreprise. «Je suis vraiment reconnaissant pour le soutien que nous avons reçu de la part de plusieurs de nos clients-clés», a-t-il affirmé.

Si la Couronne acceptait de conclure une entente à l'amiable avec SNC, l'entreprise pourrait devoir verser une amende salée. En 2013, l'analyste Yuri Lynk, de la firme Canaccord Genuity, l'avait évaluée à 100 millions.

Perspectives décevantes

Mais ce qui a le plus retenu l'attention des investisseurs jeudi, ce sont les perspectives ternes que la direction a dévoilées pour 2015. SNC-Lavalin prévoit que ses activités principales, en ingénierie et en construction, généreront un bénéfice par action oscillant entre 1,30 et 1,60 $. C'est bien loin de la moyenne de 2,22 $ attendue par les analystes.

Par conséquent, l'action de SNC a perdu 6,6 % jeudi pour clôturer à 36,97 $ à la Bourse de Toronto. Il faut remonter à l'été 2012 pour retrouver un cours aussi faible.

«L'action est une vraie bonne aubaine en ce moment», a lancé Bob Card, qui refuse toutefois de se prononcer sur un éventuel rachat de titres.

Occasions d'affaires

Pour justifier des prévisions aussi pessimistes, SNC-Lavalin a simplement indiqué que les domaines des infrastructures, des mines, de l'environnement et de l'eau allaient «poser des défis» tout au long de l'année. Ce sont les secteurs des hydrocarbures et de l'énergie, grandement renforcés par l'acquisition de la firme Kentz, l'an dernier, qui devraient contribuer le plus aux profits de SNC en 2015.

«J'étais au Moyen-Orient il y a quelques semaines et je peux attester que les occasions d'affaires sont nombreuses même avec les cours actuels du pétrole», a commenté M. Card.

Les projets non rentables, dont celui de l'hôpital Sainte-Justine, ne représentent plus que 3 % du carnet de commandes (contre 11 % à la fin de 2013) et ne devraient plus peser trop lourd sur les résultats à venir.

SNC-Lavalin a par ailleurs annoncé jeudi une hausse de 4 % de son dividende trimestriel.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Robert G. Card, président et PDG du Groupe SNC-Lavalin

En hausse, en baisse...

L'acquisition de Kentz et la vente d'AltaLink ont profité à SNC-Lavalin au quatrième trimestre, mais pas la transaction concernant Ovation, la société d'exploitation de la Maison symphonique de Montréal.

Profits gonflés

Les profits nets de SNC-Lavalin ont explosé au quatrième trimestre 2014 en raison du gain de 1,3 milliard engrangé lors de la vente de la firme de transport d'électricité albertaine AltaLink, en décembre, qui a largement compensé des frais de restructuration de plus de 100 millions.

Activités déficitaires

En excluant le gain provenant de la vente d'AltaLink, les coûts de la restructuration annoncée en novembre (qui entraînera la suppression de 4000 emplois) et les frais liés à l'acquisition de la firme britannique Kentz, les activités de SNC-Lavalin ont été déficitaires au quatrième trimestre.

La Maison symphonique

En octobre, SNC-Lavalin a vendu la société d'exploitation de la Maison symphonique à l'Industrielle Alliance pour 77,6 millions. SNC a révélé jeudi avoir perdu 4,1 millions dans cette transaction, sans toutefois donner plus de détails.

Revenus en hausse

L'acquisition du spécialiste britannique du pétrole et du gaz Kentz pour 2,1 milliards, en août, a fait bondir de 33 % le chiffre d'affaires de SNC-Lavalin au quatrième trimestre.

Code d'éthique

SNC-Lavalin vient par ailleurs de bonifier son code d'éthique en y ajoutant notamment des sections portant sur le blanchiment d'argent, les partenaires d'affaires, les agents publics et les droits de la personne.