La tomate Savoura est une belle histoire qui tourne mal. Le plus important producteur de tomates de serre du Québec est insolvable et se voit forcé de vendre ses serres et sa marque de commerce.

Ses principaux créanciers ont demandé à la Cour de nommer un séquestre en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité jeudi.

C'est Raymond Chabot qui a été nommé pour enclencher un processus de vente ordonnée des actifs pour permettre aux créanciers garantis, la Banque Nationale et la Banque Royale, de réaliser leurs garanties.

«Les principaux actifs sont les trois serres, la marque de commerce Savoura et l'ensemble des stocks», explique, dans un entretien, Jocelyn Renaud, associé chez Raymond Chabot et séquestre nommé au dossier.

«On s'assure en même temps que les activités de production et de distribution continuent», poursuit M. Renaud. Il a commencé à rencontrer les employés de la société hier pour les informer de la situation. Ils sont près de 200 en tout.

Beau produit, une belle marque

«Il faut continuer à livrer et produire un produit de qualité pour que les gens qui consomment la tomate Savoura aient encore un produit de qualité. Savoura, c'est une belle marque. C'est un beau produit. Ç'a été une belle réussite, il faut s'assurer de la prolonger.»

L'intention du séquestre est de trouver un acheteur qui va poursuivre les activités. «L'optique de départ, c'est de conserver les emplois et la production de tomates au Québec», insiste M. Renaud.

En janvier dernier, la rumeur courait que l'ontarienne Mastronardi Produce était sur le point de racheter le groupe québécois, qui produit environ 40% des tomates de serre du Québec.

«C'est sûr qu'ils vont faire partie des gens qu'on va solliciter dans le cadre de notre processus, reconnaît M. Renaud. Les concurrents de Savoura au Québec vont probablement en faire partie aussi, mais on ne se limitera pas à la province de Québec pour trouver des investisseurs.»

Les productions horticoles Demers ont confirmé leur intérêt pour les actifs de Savoura à la publication spécialisée La terre de chez nous.

Les offres seront soumises aux créanciers garantis et à la Cour. En fin de compte, c'est le tribunal qui tranche.

«Ça serait vraiment dommage que Savoura passe à des intérêts ontariens, croit André Michaud, accompagnateur d'entreprises agroalimentaires en développement d'affaires. La production maraîchère sous serre, avec environ 100 hectares, est déjà marginale en comparaison de l'Ontario, avec ses 1500 hectares, fait-il remarquer. Savoura, c'est 11 hectares d'un coup qui sont à risque.»

La concurrence mexicaine fait mal

Fondée il y a 25 ans, Savoura a perdu 6 millions au cours de ses deux derniers exercices financiers. Elle doit 20 millions en tout à ses créanciers: 10 millions à la Banque Nationale et 6 millions à la Banque Royale. Investissement Québec (IQ) lui a prêté 1,4 million et a investi 1 million en capital-actions dans la société. «On savait qu'il était en défaut de paiement, mais c'est tout», dit Chantal Corbeil, porte-parole d'IQ.

Les producteurs d'ici ont maille à partir avec la concurrence des tomates en provenance du Mexique et de l'Ontario, selon André Mousseau, président du syndicat des producteurs en serre du Québec. «Le Mexique nous envoie des tomates à bas prix tous les hivers et nos grands marchés n'achètent pas ce qui est le meilleur, mais ce qui est moins cher», dit-il.

Pour André Michaud, l'expérience malheureuse au Mexique a fragilisé l'entreprise. En 2010, Savoura avait investi 2 millions pour produire au Mexique. Elle a fermé boutique moins de 2 ans plus tard.

«Avec les surplus d'électricité que l'on a au Québec, je ne comprends pas que le gouvernement ne propose pas un tarif plus bas aux producteurs serricoles pour permettre de combler le retard sur l'Ontario», dit M. Michaud.

Serres du Saint-Laurent

Fondée en 1988

Propriétaire de la marque Savoura

Près de 200 employés

Trois serres (Danville, Saint-Étienne-des-Grès, Portneuf)

Pertes financières depuis deux ans: 6 millions

Superficie des installations: environ 11 hectares

Parts de marché: environ 40% de la production de tomates de serre du Québec