Le déficit des régimes de retraite municipaux au Québec est bien moindre que prévu et, finalement, ce sont les syndicats qui s'opposaient à la restructuration de ces régimes qui étaient les plus près de la réalité, selon les chiffres officiels de la Régie des rentes du Québec.

Le porte-parole de la Régie des rentes, Pierre Turgeon, a confirmé, mardi, qu'après avoir cumulé les résultats obtenus des évaluations actuarielles de 152 régimes de retraite municipaux - certains ont été fusionnés depuis l'époque où on parlait de 170 régimes -, la Régie en arrive à la conclusion que le déficit atteint 2,6 milliards $. «Ce sont les chiffres réels», a indiqué M. Turgeon.

Au moment du débat sur le projet de loi qui a imposé une restructuration des régimes de retraite municipaux, le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, affirmait que ce déficit atteignait 3,9 milliards $.

Mais M. Turgeon explique que le ministre se basait alors sur des projections faites à partir de données datant de 2010, puisque les évaluations actuarielles plus récentes n'avaient pas encore été faites. Or, les rendements financiers ont été favorables au cours des dernières années, allégeant ainsi les déficits réels.

En entrevue, le porte-parole de la Coalition pour une libre négociation, Marc Ranger, s'est dit outré, «en beau maudit» d'apprendre ces chiffres.

Les données de la Régie des rentes confirment pratiquement ce que disaient les syndicats, au moment du débat sur le projet de loi. La coalition évoquait alors un déficit d'environ 2,2 milliards $; elle était donc près de la réalité de 2,6 milliards $. «C'est une maudite différence» avec les 3,9 milliards $ alors évoqués par le ministre Moreau, fulmine M. Ranger.

Marc Ranger pointe un doigt accusateur vers le ministre Moreau, à qui il reproche d'avoir sciemment utilisé des chiffres gonflés, pour dramatiser la situation, tenter de gagner la bataille de l'opinion publique et servir ainsi ses fins.

«Je pense qu'il prend la population pour des épais. On peut dire n'importe quoi à la population et s'en réchapper. Il y a un manque de respect pour la population. On a parlé dans ce dossier-là beaucoup de l'importance de l'opinion publique. Et bien aujourd'hui, j'espère que cette même opinion publique-là va se poser de sérieuses questions sur le fait qu'un ministre en poste mente pour servir son propos», a tonné M. Ranger.

Sa conclusion est tranchante: «on s'est fait fourrer dans ce débat-là, ça c'est clair. Je ne devrais pas dire le mot fourrer, mais on s'est fait fourrer dans cette histoire-là. Il avait promis à certains maires de livrer la marchandise et c'est tout ce qu'il a fait: il a livré la marchandise».

M. Ranger soutient que le véritable but du ministre Moreau était de réduire la rémunération et les avantages dans le monde municipal, pour faire plaisir à quelques maires influents, et ce, peu importe la situation financière réelle des régimes de retraite.

Il prédit d'ailleurs que la situation financière des régimes de retraite va encore s'améliorer cette année, vu les rendements financiers favorables.

Les syndicats ont récemment déposé des requêtes pour contester devant les tribunaux cette loi qui a imposé une restructuration des régimes de retraite, en imposant notamment un partage des coûts moitié-moitié. La loi a préséance sur des ententes qui avaient été négociées et signées par les deux parties.

À Québec, l'opposition péquiste a à son tour reproché au gouvernement libéral de «maquiller les chiffres pour arriver à ses fins». Le porte-parole du Parti québécois pour les dossiers de travail et de régimes de retraite, Alain Therrien, a dit croire que le gouvernement continuait ainsi sa «destruction du modèle québécois».

«Ils ont amplifié le déficit des régimes de retraite de 50 pour cent. Ils ont noirci le portrait des régimes de retraite pour faire un assaut contre les travailleurs et les retraités», a critiqué M. Therrien.