Les entreprises présentes au Québec ont accumulé des liquidités de plus de 110 milliards de dollars, estime une étude, ce qui correspond à plus du quart du produit intérieur (PIB) du Québec. Le phénomène ne date pas d'hier, mais il s'est accéléré avec la diminution de l'impôt sur les sociétés au Canada.

L'Institut de recherche et d'informations socio- économiques (IRIS) a publié hier une étude sur ce qu'il appelle la «surépargne» des entreprises au Québec et au Canada. L'étude cherche à comprendre le comportement des entreprises qui se constituent un trésor au moment où la croissance économique est faible et où le revenu des ménages stagne.

Les liquidités des entreprises correspondent à près du tiers de la taille de l'économie tant au Québec qu'au Canada. Un tel niveau place autant le Canada que le Québec parmi les territoires où l'épargne des entreprises est la plus élevée avec le Japon, à 44% du PIB, et la Corée du Sud, à 34%. Ce ne fut pas toujours le cas. En 1996, le ratio au Canada était de 11% seulement.

Aux États-Unis, où l'impôt des sociétés est souvent plus élevé qu'au Canada, la masse d'épargne des entreprises représente 11% du PIB.

L'auteur de l'étude de l'IRIS, Éric Pineault, soutient que l'accumulation des liquidités coïncide avec la hausse des profits après impôt découlant de la baisse du taux d'imposition des sociétés.

Le taux effectif d'imposition des sociétés canadiennes est en effet passé de 38,1% en 1988 à 26,5% en 2010, selon les calculs de Jim Stanford, économiste du syndicat Unifor.

Si la baisse de l'impôt des sociétés avait pour objectif d'inciter les entreprises à investir, le résultat paraît modeste. L'investissement, exprimé en pourcentage du PIB, est passé de 10% à 12% au cours de la période. Hors pétrole et gaz, l'investissement a glissé dans les secteurs non financiers.

Des actionnaires choyés

Par contre, les entreprises canadiennes ont substantiellement augmenté les sommes d'argent qu'elles retournent à leurs actionnaires. L'importance des dividendes dans l'économie est en croissance depuis le milieu des années 90, passant de 3 à 7% du PIB au Canada. Un phénomène que l'on ne voit ni en Corée ni au Japon.

«L'accroissement des liquidités a certainement donné aux entreprises la capacité à augmenter leurs versements aux actionnaires, dit l'auteur dans un entretien. Ce qui est une bonne chose, puisque les caisses de retraite sont souvent des actionnaires de ces sociétés.»

En conclusion, le chercheur associé à l'IRIS plaide pour que les gouvernements conçoivent des mesures d'encouragement à l'investissement, afin que les entreprises décident enfin de mettre à contribution le magot qui dort.

«La taxe sur le capital qui a été abolie décourageait l'investissement. Il faudrait imaginer un meilleur outil qui incite les entreprises à utiliser leurs liquidités pour investir», dit-il.