La Caisse de dépôt et placement du Québec est un investisseur institutionnel sophistiqué qui s'engage maintenant dans des activités très terre à terre: la construction et la gestion de trains urbains.

La Caisse a beau investir depuis 15 ans dans des projets d'infrastructures, son rôle était avant tout celui du bailleur de fonds qui reçoit un rendement en échange de l'argent qu'il investit dans un projet.

Le projet de loi qui sera soumis au Parlement dans les prochaines semaines par le gouvernement Couillard permettra notamment à la Caisse de financer, de construire et d'exploiter le train léger sur rail du futur pont Champlain et une navette ferroviaire qui reliera l'aéroport au centre-ville de Montréal.

Avec une nouvelle filiale, CDPQ Infra, la Caisse fait le pari qu'elle pourra tirer de meilleurs rendements de son portefeuille d'infrastructures avec ces nouvelles responsabilités. «On l'a fait à Vancouver, on l'a fait à Melbourne, en Australie, alors je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire au Québec», a dit hier son président, Michael Sabia.

Le fonctionnement de CDPQ Infra sera calqué sur celui de la filiale immobilière de la Caisse, Ivanhoé Cambridge, avec un président et une équipe dédiée. L'équipe responsable du portefeuille actuel d'infrastructures compte environ 25 personnes et sera renforcée, a-t-on appris.

La Caisse a les compétences qu'il lui faut pour assurer ces nouvelles responsabilités en matière d'infrastructures, soutient M. Sabia. La nouvelle loi lui permettra de détenir la propriété d'un projet d'infrastructures et d'en céder des parts à d'autres investisseurs institutionnels. Son objectif est d'en conserver le contrôle avec au moins 51% des parts.

Jusqu'à maintenant, la Caisse ne pouvait pas détenir une participation de plus de 30% dans un projet donné, ce qui limitait sa responsabilité.

Ce rôle limité lui a toujours convenu. Lorsqu'elle a investi dans l'aéroport de Londres, en 2006, son président d'alors, Henri-Paul Rousseau, avait affirmé que la Caisse n'avait pas d'expertise dans la gestion des aéroports, mais que ce n'était pas son rôle. «Notre rôle est de nous associer à quelqu'un qui connaît ça», avait-il dit.

Avec les changements législatifs qui seront apportés, la Caisse pourra être l'investisseur majoritaire et le maitre d'oeuvre d'un projet. «Nous allons travailler avec les meilleurs du monde», a insisté Michael Sabia.

Entre l'arbre et l'écorce

La Caisse de dépôt est aussi un actionnaire important de firmes locales comme SNC-Lavalin, qui sont très intéressées par les projets d'infrastructures comme le train du pont Champlain et la navette aéroportuaire. Pourra-t-elle choisir librement un partenaire étranger au détriment de ces entreprises québécoises, s'il le faut?

«Nos appels d'offres seront transparents», a répliqué le président de la Caisse, ajoutant que l'objectif sera d'intensifier la concurrence pour faire diminuer le coût des projets.

Malgré ce plaidoyer en faveur de la concurrence, l'analyste Benoit Poirier, de Desjardins, est d'avis que les entreprises québécoises comme WSP (ex-Genivar), SNC-Lavalin et Bombardier ont des chances d'être les principales bénéficiaires de la nouvelle entente commerciale conclue entre la Caisse et le gouvernement du Québec.

Avec les nouvelles responsabilités que lui confiera le gouvernement, la Caisse de dépôt prendra plus de risques, puisque le risque d'exécution des projets s'ajoutera au risque financier. Les rendements devraient donc être plus élevés pour la Caisse.

Selon Michael Sabia, cette entente est une occasion pour la Caisse de faire croître son portefeuille d'infrastructures. «Notre objectif n'est pas de devenir propriétaire de 100% des infrastructures du Québec, a-t-il précisé. Nous avons autre chose à faire.»

À plus long terme, la Caisse pense être capable d'exporter son savoir-faire à l'étranger. D'autres gouvernements ailleurs dans le monde pourraient être intéressés par ce nouveau modèle d'affaires, estiment ses dirigeants qui croient que CDPQ Infra pourrait devenir un des piliers de sa stratégie d'affaires pour les années à venir.

-----------------

Un poids en moins pour les finances publiques

Q Qu'est-ce que l'entente signifie pour le gouvernement du Québec?

R À court terme, l'entente conclue avec la Caisse de dépôt et placement permet au gouvernement du Québec de réaliser des projets d'infrastructures nécessaires et coûteux sans alourdir sa dette. C'est la Caisse de dépôt qui financera les projets et qui s'endettera à la place du gouvernement.

Q Est-ce le gouvernement ou la Caisse qui profitera le plus de cette entente commerciale?

R Les deux parties affirment qu'elles sont gagnantes, mais à court terme, c'est le gouvernement qui s'enlève une épine du pied en confiant à la Caisse de dépôt la réalisation des deux projets d'infrastructures les plus coûteux du Québec. L'endettement élevé de la province a d'ailleurs motivé le gouvernement à s'entendre avec la Caisse. «On paie plus pour le service de la dette pour les écoles primaires et secondaires», a expliqué le premier ministre Philippe Couillard. La Caisse, pour sa part, entend réaliser un rendement intéressant dans les opérations des trains, qui profitera à ses déposants. «Chaque fois que vous allez monter à bord d'un système de transport, vous allez consolider votre retraite», a dit Michael Sabia, le président de la Caisse.

Q Est-ce que le système léger sur rail du futur pont Champlain et la navette vers l'aéroport auraient pu voir le jour sans ce coup de main de la Caisse?

R Probablement, mais les Québécois auraient dû se contenter de projets plus modestes. Le premier ministre Philippe Couillard a été très clair à ce sujet hier. «L'alternative était de ne pas faire les projets ou de les faire à moitié», a-t-il dit. L'autre avantage de demander l'aide de la Caisse, c'est que le gouvernement aura les moyens de continuer de financer d'autres projets d'infrastructures ailleurs au Québec.