Pour préserver le modèle québécois, le gouvernement Couillard devrait s'assurer que les grandes entreprises et les mieux nantis fassent leur juste part lorsque vient le temps de payer de l'impôt, estiment les grandes centrales syndicales.

Devant la Commission d'examen sur la fiscalité, mardi à Québec, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) ainsi que la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ont sans surprise plaidé pour un report de l'équilibre budgétaire.

Dans leurs mémoires, ces organisations déplorent que l'obsession du déficit zéro du gouvernement Couillard se traduise par des compressions tous azimuts et la mise sur pied de cette commission chargée de récupérer 650 millions de dollars.

«Un cadre de planification prudent permettra d'éviter le ralentissement de la croissance économique (...) et la perte de milliers d'emplois», souligne la FTQ qui dit néanmoins partager les objectifs de l'atteinte du déficit zéro «à plus long terme».

Pour la CSN, la prévision d'un déficit de 2,35 milliards pour l'exercice en cours ne représente que 0,62 % du produit intérieur brut du Québec, ce qui est «beaucoup plus faible» lorsque comparé à certains États et provinces.

Sur le plan fiscal, les trois centrales joignent leur voix pour déplorer notamment l'imposition de seulement 50 % des gains en capital des entreprises, ce qui, selon les estimations de la FTQ, a coûté 361 millions de dollars au Trésor québécois en 2013.

«Les gains de capital doivent être imposés à 100 %, fait valoir la FTQ. Si le gouvernement décide de maintenir cet avantage fiscal, il doit en resserrer l'application en haussant le taux d'inclusion à 75 % de ces gains.»

Citant des statistiques du ministère des Finances et de Revenu Québec pour l'année d'imposition 2009, la FTQ avance que 1825 des 5649 grandes entreprises de la province n'ont pas payé d'impôts sur le revenu en 2009.

«Ce n'est pas normal que 32 % des grandes entreprises du Québec n'aient pas payé un cent d'impôts sur les revenus», fait valoir son président, Daniel Boyer.

Déplorant que la majorité des crédits d'impôt destinés aux entreprises soient remboursables, M. Boyer exhorte le gouvernement Couillard de revoir cette façon de faire, notamment en transformant certains crédits d'impôt remboursables en crédits d'impôt non remboursables.

De plus, croit la CSN, ce taux d'imposition sur les gains en capital réalisés sur des actifs détenus pendant de courtes périodes «avantage» les pratiques financières spéculatives.

Selon la CSN, la FTQ et la CSQ, la fiscalité des particuliers doit être revue afin d'étaler la progressivité de l'impôt, qui s'est amorcée lors du passage du Parti québécois au pouvoir avec l'ajout d'un palier d'imposition additionnel à 100 000 $.

«C'est un premier pas intéressant, d'autant plus qu'il a contribué à réduire le recours à la contribution santé, un impôt régressif que le gouvernement actuel souhaite éliminer», souligne la CSN dans son document.

De son côté, la CSQ suggère entre autres l'introduction d'un cinquième palier d'imposition pour les particuliers dont les revenus annuels sont supérieurs à 200 000 $.

En tenant compte de la forte augmentation de leurs revenus au cours des 20 dernières années, la CSQ croit que ces particuliers sont en mesure de «contribuer davantage aux revenus de l'État».

La CSN estime quant à elle qu'il est inconcevable que le Québec n'ait pas un taux d'imposition additionnel au niveau de revenu du dernier palier fédéral, qui est de 136 270 $.

«Les Québécois seraient prêts à ce que leur fardeau fiscal augmente quelque peu afin de garantir l'accès actuel aux services publics et aux programmes sociaux», estime-t-elle.

Les trois centrales syndicales proposent également plusieurs autres mesures, comme le resserrement des abris fiscaux ainsi que l'introduction d'une taxe sur les véhicules de luxe et les émissions de gaz à effet de serre.