Tandis que la commission Godbout se penche sur les moyens d'augmenter ou d'optimiser les recettes fiscales et que la commission Robillard planche sur les moyens de réduire les dépenses, une troisième voie reste négligée même si elle figure en bonne et due forme dans le budget du ministre des Finances Carlos Leitao.

Ce sont les transferts fédéraux, de plus en plus inéquitables.

Les chantres québécois du gouvernement Harper ont beau clamer que Québec reçoit 7,76 milliards de dollars en paiements de péréquation, ce qui en ferait un enfant gâté, ce n'est pas assez.

La croissance économique du Québec restera plus faible que la moyenne canadienne au cours des prochaines années. Non pas tant à cause de gains de productivité insuffisants qu'à cause du vieillissement plus rapide de sa population que celui observé dans les provinces à l'ouest de la rivière des Outaouais. Les provinces atlantiques vivent d'ailleurs cette entrave à la croissance de manière plus aiguë encore.

À cause surtout des migrations interprovinciales, la population du Québec augmente moins vite. Pire, le phénomène est beaucoup plus marqué dans le segment des 15-64 ans où se concentre la population active, celle sur qui le Québec s'appuie pour produire de la richesse et générer des recettes fiscales.

Or, la formule de péréquation a été unilatéralement modifiée par Ottawa en 2008 de manière à ce qu'il puisse décharger sur les provinces le risque associé à des fluctuations économiques imprévues, quels que soient leurs effets sur la capacité fiscale.

Le Plan budgétaire du ministre Leitao explique en détail comment Québec aurait dû recevoir 136 millions de plus cette année en péréquation et propose une voie mitoyenne qui lui donnerait 67 millions de plus cette année.

La démographie du Québec a pour effet de gonfler les coûts en soins de santé puisque ceux-ci grimpent en flèche à partir du moment où une personne atteint 65 ans.

Cette dynamique a été exposée et expliquée dans une étude du CIRANO publiée l'an dernier (pour lire l'étude: https://www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2013s-45.pdf).

Voilà pourquoi Québec insiste pour que l'âge soit pris en compte dans les transferts canadiens en santé plutôt que de prendre le nombre d'habitants pour seul barème.

Québec n'est pas seul à faire ce constat qui profite avant tout à l'Alberta. L'Ontario élève aussi la voix.

Le Mowat Centre, un groupe de recherche en politique publique, a même publié une étude où il analyse chacun des transferts d'Ottawa aux provinces et en mesure l'équité.

Son auteur, Noah Zon, note que, pour les transferts consacrés au logement social, au programme d'infrastructures provincial et territorial, au volet d'infrastructures nationales, au Fonds de la taxe sur l'essence et au financement de l'accès des handicapés au marché du travail, le Québec et l'Ontario reçoivent moins d'Ottawa que leur poids démographique au sein de la Confédération.

Dans le cas des infrastructures, le ministère québécois des Finances précise que des négociations sont toujours en cours pour faire reconnaître ce principe.

L'auteur fait aussi valoir que certaines décisions unilatérales d'Ottawa, comme l'amendement fait en 2012 au Code criminel pour fixer des sentences carcérales automatiques aux jeunes délinquants, augmentent les dépenses des provinces sans compensation. Le ministre de la Justice de l'époque, Jean-Marc Fournier, avait répété que Québec ne paierait pas la facture. Elle était estimée à 137 millions pour l'ensemble des provinces, soit une trentaine de millions pour le Québec.

Pourquoi le gouvernement ne revient-il pas à la charge?

D'autres mesures unilatérales, à caractère fiscal, pèsent sur les finances publiques des provinces. Ainsi, le fractionnement du revenu des retraités et l'introduction du compte d'épargne libre d'impôt (CELI) privent l'Ontario de 250 et 110 millions cette année, a calculé le Mowat Centre.

Ces mesures coûtent aussi plusieurs dizaines de millions au Québec.

L'augmentation du CELI et l'extension du fractionnement du revenu aux couples avec des enfants mineurs vont augmenter la saignée.

À la différence de l'Ontario, le Québec dispose d'un atout. Il contrôle la perception de ses impôts et choisit les déductions fiscales qu'il accorde. Bref, il n'est pas forcé d'harmoniser sa politique fiscale, bien que cela soit généralement souhaitable.

Il en fait d'ailleurs la preuve en maintenant son crédit d'impôt de 15% pour l'argent investi dans les fonds de travailleurs alors qu'Ottawa abolira progressivement le sien à partir de l'an prochain.

Le Québec pourrait à bon droit choisir de ne pas fractionner le revenu des couples avec jeunes enfants.

Encore faut-il qu'il ose décrier l'iniquité et s'entendre avec l'Ontario pour le faire de concert.