Chez Mega Brands, dans l'arrondissement de Saint-Laurent, c'est Noël depuis le mois de juin. Les camions à benne en plastique et les célèbres Mega Bloks sortent à pleines portes. Dans quelques semaines, ces populaires jouets seront sur les tablettes des magasins du monde entier.

L'usine, qui occupe l'ancien entrepôt des magasins Eaton, est une anomalie dans l'industrie de la fabrication de jouets, fortement concentrée en Asie. Le géant américain Mattel, qui a mis la main sur Mega Brands en avril, ne compte aucune usine dans les pays industrialisés.

En 2010, après des années de délocalisation, Mega Brands ne fabriquait plus que 20% de ses jouets à Montréal. Mais avec la hausse des coûts en Chine et dans d'autres pays, les dirigeants de l'entreprise québécoise ont commencé à se demander s'il ne serait pas avantageux de ramener de la production à Montréal, du moins celle à fort volume.

«En Chine, le coût horaire de la main-d'oeuvre est passé de 30 cents en 1992 à 3$ aujourd'hui», note Jean-François Albert, vice-président à la fabrication.

Bien sûr, les salaires sont encore plus élevés à Montréal. Mais le Québec jouit d'un avantage par rapport à une bonne partie de la Chine: son climat nordique, qui permet d'accélérer le refroidissement des pièces de plastique. Résultat: des économies d'énergie, de temps et d'argent.

Mais pour qu'un rapatriement soit rentable, il fallait investir de façon importante dans l'acquisition d'équipement à la fine pointe. À Montréal, les machines permettent de produire 64 blocs à la fois, contre à peine 8 en Chine. Les tâches manuelles ont été limitées au minimum, ce qui permet de réduire le nombre d'employés.

Par exemple, pour ramener à Montréal le comptage et le tri des petites pièces, Mega Brands a fait concevoir des machines qui fonctionnent à l'aide de faisceaux lumineux. En Chine, ce travail était effectué à la main.

300 emplois créés

Le transfert a tout de même créé des emplois ici. Le nombre de salariés de l'usine est passé de 300 à 700 en 4 ans (en tout, Mega Brands emploie environ 1200 personnes à Montréal). Les salaires de production oscillent entre 11 et 20$ de l'heure. Des entreprises québécoises ont aussi profité du rapatriement: par exemple, c'est Cascades qui fournit les boîtes de carton.

Aujourd'hui, Mega Brands réalise près de 60% de sa production à Montréal. Cette petite révolution, qui a nécessité des investissements d'environ 37 millions, aurait été impossible sans l'aide des gouvernements. L'entreprise a eu droit à un prêt sans intérêt de 5 millions d'Ottawa et à un autre de 6,6 millions de Québec. «Sans cette aide, le rendement du capital investi aurait été étalé sur 11 ans plutôt que sur 3 ans», relève M. Albert.

Mega Brands travaille actuellement à la prochaine phase de son plan, qui permettra de porter à 70% la proportion de sa production effectuée à Montréal. Québec a accepté de verser une subvention de 18 millions à l'entreprise pour ce projet de 60 millions qui devrait créer au moins 200 emplois.

Il s'agit d'une aide généreuse, mais le Québec était en concurrence avec des États américains pour cet investissement. Soulignons que l'un des principaux clients de Mega Brands, Wal-Mart, incite fortement ses fournisseurs à établir des usines aux États-Unis dans le cadre de sa volonté d'appuyer l'industrie américaine de la fabrication.