La Caisse de dépôt et placement du Québec a discrètement réuni un groupe de 44 entrepreneurs de haut niveau, dont Rémi Marcoux, Pierre Karl Péladeau et Alain Lemaire, pour préparer une offensive inédite en vue de donner un électrochoc à l'entrepreneuriat dans la province.

Selon nos informations, Michael Sabia, président de l'organisation, insiste pour que la Caisse contribue au développement économique du Québec autrement que par de simples injections de capitaux dans les sociétés d'ici. C'est dans cette optique que la Caisse a choisi d'utiliser son «réseau» et son «expertise» pour stimuler le lancement de nouvelles entreprises.

«On est là comme catalyseur, pour aller chercher les bons acteurs et les faire bouger ensemble», a résumé Manon Hamel, vice-présidente, développement des affaires au Québec, de la Caisse, en entrevue avec La Presse Affaires.

Des dirigeants de start-ups technos, comme Louis-Philippe Maurice (Busbud), des restaurateurs (Normand Laprise du Toqué!) et des gens du secteur de la mode (Mariouche Gagné d'Harricana), ont pris part à l'exercice organisé par la Caisse. La première rencontre du groupe a eu lieu le 24 février.

«Il se fait beaucoup de choses au Québec, et des bonnes choses, souligne Manon Hamel. Mais on voulait voir comment faire pour amener ça à un autre niveau avec des idées innovantes, et sortir de la conversation typique qui dit «Le gouvernement devrait faire X, Y, Z ". Là, on se prend en main en tant qu'entrepreneurs, et ce sera par et pour les entrepreneurs.»

«Meilleures pratiques»

Avant la rencontre du 24 février, la Caisse a mandaté une firme pour cernier les «meilleures pratiques» en entrepreneuriat partout dans le monde. Ces exemples américains, finlandais ou israéliens ont servi de base aux discussions entre les 44 participants, qui ont choisi de prioriser cinq initiatives.

La première mesure à l'agenda vise à faire une «cartographie» de toutes les aides disponibles pour les entrepreneurs. On retrouve déjà «plus de 1000» intervenants en entrepreneuriat et près de 200 organismes voués à ce secteur, souligne Manon Hamel. Mais l'information est inégale et elle circule mal.

«On voulait voir : est-ce que l'offre est complémentaire et est-ce que toutes les régions sont desservies? dit Mme Hamel. Est-ce bien répertorié? Est-ce que c'est facile pour quelqu'un qui veut être entrepreneur? Le constat, c'est que non, ce n'est pas si simple.»

Le groupe de travail mandaté par la Caisse devrait finaliser un projet concret d'ici un mois. Il pourrait s'agir d'une forme de «guichet unique» qui viendra centraliser et cartographier les ressources pertinentes pour les jeunes entrepreneurs, mais la forme finale de cet outil n'est pas encore arrêtée, avance-t-on.

«On veut s'assurer, avec ce groupe-là, que ceux qui vont être sensibilisés à l'entrepreneuriat n'auront pas juste l'intention de démarrer une entreprise, mais qu'ils vont passer à l'action, précise Manon Hamel. Et pour passer à l'action, il faut que ce soit facile pour eux de trouver l'information, les structures, les outils nécessaires pour mettre leur plan d'affaires en oeuvre.»

La Caisse espère du même coup stimuler le mentorat et l'émulation au sein de la communauté d'entrepreneurs québécois.

Le même groupe de gens d'affaires (que Pierre Karl Péladeau a quitté après son passage au Parti québécois) planchera aussi sur deux autres mesures touchant les entreprises québécoises, à l'occasion de rencontres prochaines.

L'une de ces mesures vise à stimuler «l'internationalisation» des PME et sera annoncée l'hiver prochain. L'autre touche le transfert d'entreprises, un sujet chaud alors que des milliers de baby-boomers - dont plusieurs sont propriétaires d'une société - s'apprêtent à quitter la vie active.

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PARTENARIAT AVEC HEC MONTRÉAL

La Caisse de dépôt et HEC Montréal planchent ces jours-ci sur la création d'un programme de formation intensif destiné aux dirigeants de PME qui visent une expansion internationale, a appris La Presse Affaires.

Le programme s'adressera en particulier aux patrons de PME «à forte croissance», déjà bien implantées dans le marché québécois. La formation vise à «développer la capacité de gestion des dirigeants en leur donnant les outils et la structure pour planifier, mesurer et améliorer leur potentiel de croissance».

La Caisse s'engagera par ailleurs dans le nouveau Centre du savoir de l'École d'entrepreneurship de Beauce. Cette organisation, qui sera lancée cet automne, «permettra de mesurer l'impact de chaque entrepreneur ayant complété une formation à l'École, de prendre le pouls de la situation entrepreneuriale au Québec et d'identifier, année après année, les défis et les besoins des entrepreneurs d'ici», indique un résumé que nous avons pu consulter.

Outre ces deux nouveautés, la Caisse est engagée dans une série de mesures comme la Fondation de l'entrepreneurship, le Réseau Femmessor (destiné aux femmes entrepreneures) et le programme de formation Passeport PME, pour ne nommer que ceux-là.

«On s'assure d'être présents à chacune des phases entrepreneuriales, a souligné Manon Hamel, vice-présidente, développement des affaires au Québec, de la Caisse. On ne veut pas saupoudrer nos initiatives; on veut s'assurer que chacun de nos appuis est structurant.»

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QUI SONT LES ENTREPRENURS IMPLIQUÉS?

Quarante-quatre entrepreneurs ont répondu à l'appel de la Caisse de dépôt, en février dernier, pour participer à la réflexion sur la «culture entrepreneuriale» au Québec. Parmi ceux-ci, on compte:

> Pierre Karl Péladeau, Québecor/Hydro-Québec*

> Normand Laprise, Toqué!

> Alexandre Taillefer, XPND Capital

> Hicham Ratnani, Frank & Oak

> Rémi Marcoux, TC Transcontinental

> Louis-Philippe Maurice, Busbud

> Vincent Chornet, Enerkem

> Alain Lemaire, Cascades

> Claude Cormier, Claude Cormier et associés

> Ani Rouleau, Baléco

> Mariouche Gagné, Harricana

* M. Péladeau a quitté le groupe de réflexion après s'être lancé en politique active.