Craignant d'autres mauvaises surprises, certains intervenants du milieu économique espèrent que le ministre des Finances, Carlos Leitao, épargnera les crédits d'impôt destinés aux entreprises s'il présente une mise à jour économique cet automne.

Pour le Conseil du patronat du Québec (CPQ), Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) ainsi que l'Alliance numérique - qui représente les intérêts de l'industrie québécoise du jeu vidéo - la coupe de 20 % annoncée dans le budget du 4 juin dernier a déjà instauré un climat d'incertitude.

«Ça a changé les règles du jeu de façon subite, a souligné la vice-présidente à la recherche du CPQ, Norma Kozhaya. Pour les décisions d'investissement, la stabilité est importante. Ça envoie un mauvais message aux entreprises.»

D'après le budget Leitao, cette baisse de 20 % en ce qui a trait aux crédits d'impôt devrait permettre des économies de 35,5 millions de dollars pour l'année financière 2014-2015 avant d'atteindre 371,7 millions de dollars en 2016-2017.

Vendredi dernier, en marge du conseil des ministres, le premier ministre Philippe Couillard avait confirmé que des nouvelles «mesures fiscales» ou des «mesures de révision de programme» pourraient entrer en vigueur dès le 1er janvier.

M. Leitao pourra s'inspirer des travaux de la Commission Godbout sur la fiscalité qui a été chargée par le gouvernement libéral de récupérer 650 millions de dollars pour l'an prochain grâce à l'abolition ou la révision à la baisse de crédits d'impôt aux entreprises.

Le CPQ, MEQ et l'Alliance reconnaissent que le secteur privé doit faire son effort pour aider à redresser les finances publiques, mais ils craignent un climat d'instabilité si d'autres réductions importantes sont annoncées à l'automne.

«Ça peut être une barrière à l'émergence d'une partie de notre industrie qui est en train de grandir», a expliqué le président de l'Alliance numérique et chef du studio de Warner Bros à Montréal, Martin Carrier.

Sans trop présumer des prochaines décisions du gouvernement Couillard, M. Carrier a rappelé que le budget Leitao avait fait passer de 37,5 % à 30 % le taux du crédit d'impôt remboursable à la production multimédia.

«Ça nous dit qu'il y a une bataille à faire pour notre industrie, affirme-t-il. Il faut promouvoir les crédits d'impôt et voir ce que la décision du 4 juin a eu (comme impact).»

M. Carrier a rappelé que ce sont les crédits d'impôt qui ont permis la création d'une industrie québécoise du jeu vidéo, qui, selon lui, emploie actuellement plus de 9000 personnes et dont les retombées économiques annuelles sont estimées à plus de 740 millions de dollars.

La directrice des affaires publiques de MEQ, Audrey Azoulay, craint qu'une nouvelle réduction des crédits d'impôt aux entreprises n'entraîne une réduction des investissements.

Elle estime qu'il ne pourra y avoir d'assainissement des finances publiques si la relance économique du Québec n'est pas assez «dynamique».

«On a déjà coupé de 20 % et ça a perturbé certains budgets par rapport à des investissements, souligne Mme Azoulay. Il faut faire attention avec une deuxième fois. Il y a des dépenses d'investissements qui sont prévues en fonction des crédits d'impôt.»

De son côté, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc, espère que le gouvernement Couillard ne tombera pas dans le piège d'avoir comme seul objectif le retour au déficit zéro.

«Il ne doit pas improviser et éviter de se précipiter, a-t-il souligné. Il ne faut pas mettre en place des décisions hâtives sur lesquelles il faudrait revenir plus tard.»

Au cours d'un entretien téléphonique, M. Leblanc a dit espérer que la commission présidée par le fiscaliste Luc Godbout puisse avoir le temps nécessaire pour réviser la fiscalité, ce qui, à son avis, est l'objectif principal de l'exercice.

Quant à elle, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) s'est montrée plus optimiste. Sa vice-présidente, Martine Hébert, croit que Québec peut se permettre de continuer à réduire les incitatifs financiers aux entreprises en échange d'un allègement de leur fiscalité.

«Pendant que nous investissons dans l'aide ciblée aux entreprises, on laisse nos petites et moyennes entreprises (PME) nager dans la fiscalité la plus lourde au Canada», a-t-elle dit.

Si Mme Hébert milite pour que le gouvernement «redonne de l'air aux PME», elle reconnaît toutefois que la réduction des crédits d'impôt ne doit pas signifier que le gouvernement Couillard n'a pas à respecter ses engagements auprès d'entreprises auxquelles il a «promis des choses».