Les anciennes entreprises de Tony Accurso, regroupées sous l'enseigne d'Hexagone, peinent à tirer leur épingle du grand jeu de la construction. Ses difficultés financières forcent Hexagone à chercher de nouveaux investisseurs et même à examiner sa vente, en tout ou en partie, y compris à des intérêts étrangers.

En entrevue à La Presse, le président du conseil d'administration d'Hexagone, Mario Bertrand, n'a pas caché que les cinq entreprises formant Hexagone (Louisbourg SBC, Gastier, Ciments Lavallée, Géodex et Houle H2O) vivent «sous une cloche de verre».

«Hexagone, c'est une entreprise fragile comme l'industrie de la construction en général. Nous sommes donc dans un processus afin de revoir les alternatives stratégiques. Ça n'exclut pas une vente d'actifs ou une recapitalisation», a affirmé M. Bertrand.

Selon ce dernier, la réflexion s'est rapidement imposée quelques mois après la création d'Hexagone, car il y avait «un déséquilibre» financier auquel ont fait face les membres indépendants du conseil d'administration, une fois la transaction rendue publique. C'est au printemps 2013 que l'entrepreneur Tony Accurso avait vendu ce qui constituait le coeur de son empire car, comme dirigeant, il ne répondait pas aux exigences de la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics.

Sous-capitalisation

«L'exercice de trouver de l'argent a commencé en septembre 2013 parce que Hexagone souffre d'une grande sous-capitalisation. [...] Nous avons 75 fois plus de dettes à court terme que d'équité», a expliqué Mario Bertrand. La situation s'explique par le fait qu'à l'origine, les six actionnaires ont injecté ensemble seulement 1 million de dollars pour mettre la main sur la moitié de l'empire commercial de Tony Accurso, équivalant à quelque 150 millions.

Dans l'immédiat, Hexagone a obtenu que la société de capital de risque spécialisée dans la construction, Third Eye Capital, reconduise son financement pour une autre année. Mais comme l'indique M. Bertrand, cela n'est pas suffisant pour assurer la pérennité de l'entreprise. «Une recapitalisation de 30 millions est nécessaire», a-t-il indiqué.

Quant à la possibilité de vendre Hexagone, le président du conseil d'administration reconnaît que le processus est enclenché. Des firmes étrangères ont entrepris des démarches qualifiées de sérieuses, bien qu'il n'y ait pas d'offres formelles pour l'instant. «Il y a toutefois des revues diligentes qui sont en cours pour certains actifs», a confirmé M. Bertrand.

L'entreprise Draganos est sur les rangs, tout comme la française Fayolle et la canadienne Aecon. Chacune d'elles a des visées sur un ou des éléments d'Hexagone. La société française Vinci s'est pointée plus tardivement mais voudrait avaler l'ensemble du groupe, a indiqué Mario Bertrand.

Maintien des emplois

Aucune entreprise québécoise ne s'est pointée jusqu'à maintenant. Mario Bertrand n'est guère surpris. Selon lui, la situation s'explique entre autres par un ralentissement général dans l'industrie. Il ajoute que les soumissions sont souvent au prix coûtant, et le gouvernement ne paie pas rapidement ses fournisseurs.

Au moment de mettre en vente certaines de ses entreprises qui allaient devenir Hexagone, Tony Accurso avait, dans un geste rarissime, pris la parole publiquement. Il avait mentionné à La Presse qu'il allait «tout faire pour que ça reste au Québec».

Ainsi, comme le révélait La Presse plus tôt cette semaine, M. Accurso a soutenu discrètement Joël Gauthier pour qu'il achète ses actions dans Hexagone. Cela s'est fait par l'entremise de l'une de ses entreprises. Une copie du chèque de 166 667 $ encaissé par M. Gauthier l'atteste.

Ce document a été transmis de façon anonyme à Hexagone, en juin dernier. Hexagone l'a remis à l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ni les administrateurs ni les actionnaires n'étaient au courant du lien d'affaires entre MM. Gauthier et Accurso, selon ce qu'affirme Mario Bertrand. Cet élément a d'ailleurs permis à Hexagone de voir son accréditation maintenue pour continuer à brasser des affaires avec les organismes publics et le monde municipal.

Mario Bertrand a indiqué que la vente d'Hexagone ne signifierait pas pour autant le départ vers l'étranger. «C'est hors de question. Notre préoccupation, c'est le maintien des jobs ici. [...] Les employés constituent la force d'Hexagone, de même que son parc d'équipements», a-t-il précisé.

Hexagone pourrait être fixée sur son avenir à la fin de l'été.