Le gouvernement du Québec croit détenir un atout dans son jeu pour tenter de canaliser le lucratif jeu en ligne vers la plateforme de Loto-Québec depuis l'annonce de l'acquisition des sites PokerStars et Full Tilt Poker par la société montréalaise Amaya.

Cette spectaculaire transaction a refait surface lors de l'étude des crédits de Loto-Québec devant la commission parlementaire des finances publiques à l'Assemblée nationale, le 2 juillet.

Les élus tenaient à savoir comment Loto-Québec comptait s'y prendre pour augmenter sa part de marché dans les jeux de hasard en ligne, un marché qui a quintuplé de taille entre 2009 et 2012.

«Vous avez remarqué, il y a eu une grosse transaction dans ce domaine», a dit le ministre des Finances Carlos Leitao aux membres de la commission. Le ministre était accompagné pour l'occasion du PDG de Loto-Québec, Gérard Bibeau.

«Je parle de PokerStars. Notre réponse doit prendre en considération tous ces nouveaux changements. C'est probable que ça devienne - je ne dirai pas plus facile -, que ça ouvre une nouvelle porte à Loto-Québec pour pouvoir augmenter sa part de marché et limiter un petit peu le jeu qui se fait à l'extérieur du réseau officiel», a poursuivi le ministre Leitao.

Il a dit que toutes les avenues sont sur la table, que ce soit le blocage de sites illégaux au moyen d'ententes avec les fournisseurs de services internet ou la conclusion de partenariats avec des exploitants privés.

«Ce serait Loto-Québec qui mandaterait une entreprise privée, à certaines conditions, [pour exploiter] le jeu en ligne, a expliqué Gérard Bibeau à la députée libérale de Bourassa-Sauvé, Rita de Santis, qui souhaitait des éclaircissements. C'est de même que ça se passe dans un paquet de pays.»

Au Canada, le Code criminel est clair. Il confie l'administration des jeux de hasard aux provinces. Celles-ci ont délégué leurs responsabilités à des mandataires, comme Loto-Québec.

Les jeux de poker en ligne exploités par des entreprises privées sont donc théoriquement illégaux au pays. La problématique prend une autre tournure quand une société québécoise, Amaya, est en passe de devenir la plus importante société de jeux en ligne du monde inscrite en Bourse.

Grosse bouchée

Le 12 juin, Groupe de jeux Amaya, de Montréal, a annoncé avoir accepté d'acquérir Rational Group, de l'île de Man, propriétaire des sites PokerStars et Full Tilt Poker, pour la somme de 4,9 milliards US. Il s'agit d'une bouchée gargantuesque pour Amaya, un titre de petite capitalisation admissible jusque-là au régime épargne-actions du Québec (REA). La transaction avec PokerStars doit se conclure vers le 30 septembre.

«C'est une transaction qui vient juste d'avoir lieu, a expliqué aux élus le PDG de Loto-Québec. Ce qu'on sait, ce sont des gens [chez Amaya] qui veulent se légaliser le plus possible. Ils connaissent bien les enjeux. Ils ont de bonnes intentions.

«On a beaucoup de travail à faire de notre côté avec le ministère [des Finances] pour voir quelles solutions vont être retenues à l'avenir dans ce dossier», a enchaîné M. Bibeau.

Le monopole d'État des jeux de hasard peine en effet à faire sa marque dans le monde virtuel avec sa plateforme Espacejeux.com depuis son lancement en 2010. Sa part de marché auprès des internautes québécois est estimée à 10% seulement quand on exclut le secteur des loteries, un produit que Loto-Québec est pratiquement seule à offrir sur l'internet.

Pour améliorer sa performance en ligne, le gouvernement a mandaté en 2010 un comité présidé par Louise Nadeau. Un rapport qualifié de «préliminaire» par le ministre Leitao a depuis été déposé au gouvernement. Il n'a pas encore été rendu public. Le patron de Loto-Québec soutient ne pas l'avoir vu du tout. Le ministre Leitao, lui, souhaite prendre le temps de le lire.

Pour sa part, le député de Rousseau et ancien ministre péquiste des Finances, Nicolas Marceau, souhaite voir le gouvernement agir diligemment. «Avec PokerStars qui veut se donner une image légale, il y a une opportunité. Ne la laissons pas passer», a-t-il suggéré.

Marché estimé à 250 millions (en 2012)

> Part de marché de Loto-Québec: 10 % (en excluant les loteries)

> Pertes estimées: de 25 à 30 millions par année

> Nombre de sites de jeux illégaux accessibles sur l'internet: 2000

La société Amaya prête à collaborer avec Loto-Québec

Fournisseur de plateformes pour les exploitants de sites de jeux en ligne, Amaya est rompu depuis longtemps au risque réglementaire. « Nous avons une relation de longue date avec Loto-Québec pour laquelle nous agissons à titre de fournisseur de solutions tant pour le jeu en ligne que pour le jeu terrestre, écrit dans un courriel Tim Foran, responsable des relations avec les investisseurs au sein de la société montréalaise. Nous sommes à étudier comment nous pourrions approfondir cette collaboration au bénéfice des joueurs québécois et canadiens. Nous croyons que le marché en profiterait de façon positive. Rational Group est en faveur de la réglementation des jeux de hasard en ligne. La société détient davantage de permis d'exploitant de sites de poker que n'importe quelle autre société, incluant la France, la Belgique, l'Italie et l'Espagne, entre autres. »