Alors que la grand-messe de la F1 arrive à Montréal avec ses millions de dollars en retombées, Tourisme Québec s'apprête à donner un grand coup de barre pour mesurer avec plus de rigueur l'impact économique des grands événements.

Le Ministère a lancé un appel d'offres en vue de réaliser un guide méthodologique qui servira à l'industrie des festivals. L'objectif? Répondre aux nombreuses critiques énoncées ces dernières années par rapport aux méthodes de calcul des organisateurs.

«Les études d'impact économique réalisées par les promoteurs d'événements depuis les débuts des années 2000 ne sont pas rigoureuses, indique le document d'appel d'offres obtenu par La Presse Affaires. Faute d'une méthode reconnue, la plupart surestiment l'impact en incluant des dépenses qui ne devraient pas être considérées.»

Selon nos informations, cinq soumissionnaires - surtout des économistes - ont été retenus pour participer à cet appel d'offres. Le candidat choisi devra concocter la version finale du guide méthodologique au plus tard le 15 septembre prochain, pour un coût total d'environ 50 000$.

Critères aléatoires

Les événements et festivals se partagent des millions en subventions gouvernementales. Mais leurs études d'impact économique, lorsqu'elles existent, sont souvent faites selon des critères aléatoires.

Le nouveau guide devra proposer une démarche de calcul «rigoureuse et conforme aux principes économiques», qui permettra une comparaison fiable entre les différents événements. L'objectif sera de circonscrire les dépenses liées aux festivals et d'exclure toutes les autres du calcul.

Notons que le nouveau guide ne s'appliquera pas au Grand Prix de Formule 1, a-t-on confirmé hier au gouvernement. La portion provinciale des subventions attribuées à cet événement provient du ministère des Finances, et non de Tourisme Québec.

Le milieu satisfait

Les acteurs de l'industrie touristique réclamaient depuis longtemps des lignes directrices plus claires pour le calcul des retombées. Ils applaudissent aujourd'hui ce changement.

«Il y a beaucoup de critiques sur la méthodologie qui est actuellement utilisée dans l'industrie pour le calcul des retombées, Tourisme Québec était très préoccupé par ça, et avec raison», a expliqué hier Robert Aucoin, directeur, recherche et analyse stratégique, chez Festivals et Événements Québec, qui a participé à l'élaboration de l'appel d'offres.

S'il salue la création du nouveau guide, M. Aucoin rappelle toutefois que Tourisme Québec n'exige plus d'études de retombées économiques avant d'attribuer des subventions aux événements. Leurs organisateurs doivent réaliser des études sur la provenance des festivaliers et sur l'achalandage, mais pas sur l'impact économique proprement dit.

D'ailleurs, le nouveau guide méthodologique ne sera pas obligatoire. «Ce n'est pas du tout l'objectif. On ne vise que les grands événements qui veulent le faire sur une base volontaire ou dans le cas où c'est une obligation d'un bailleur de fonds autre que Tourisme Québec», a expliqué Guy Simard, porte-parole de Tourisme Québec, dans un courriel à La Presse Affaires.

Le Regroupement des événements majeurs internationaux (REMI), qui représente 28 événements majeurs, dont le Festival international de jazz, Juste pour rire et la Coupe Rogers, réalise déjà des études de retombées. La dernière, faite en 2010 par la firme Secor, chiffre à 475 millions l'apport des festivals membres du REMI à l'économique québécoise.

Martin Roy, président du REMI, estime que la méthode employée par son organisme est toujours d'actualité. «C'est sûr qu'il y a beaucoup de monde qui prétend faire des études de retombées économiques et qui emploient toutes sortes de méthodes, mais vraiment, la méthode qu'on a employée a toujours été faite en accord à l'époque avec le ministère des Finances.»

Selon l'économiste Claude Montmarquette, PDG du centre de recherche CIRANO, la création du nouveau guide par Tourisme Québec est plus que bienvenue. «C'est un pas dans la bonne direction; quand on veut évaluer les programmes, il faut avoir des données pour le faire», a-t-il dit.

Le nouveau guide visera les événements dotés d'un budget de plus de 3 millions. Il sera expérimenté sur quelques festivals à l'automne 2014, puis à l'hiver 2015.

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Combien de retombées pour la F1?

Le Grand Prix de Formule 1, qui battra son plein ce week-end à Montréal, reçoit bon an, mal an 15 millions en fonds publics. Mais alors qu'aucune entente n'est encore signée en vue du renouvellement de l'événement, un flou entoure toujours ses retombées économiques réelles. «Je pense que certainement la rentabilité est positive, mais il y a peut-être une grande variance entre ce que disent les uns et les autres, souligne l'économiste Claude Montmarquette. On dit 70 millions, 90 millions, on ne le sait plus trop. Il n'y a pas de preuve objective.» Le mystère est d'autant plus grand qu'une étude australienne a démontré que lesretombées du Grand Prix d'Australie à Melbourne - un événement comparable à celui de Montréal - générait des retombées de 32,6 millions.

- Maxime Bergeron