Aucun chantier public d'excavation, d'égout ou de routes ne pourra être signé par l'entreprise de construction Bentech pendant les cinq prochaines années au Québec. La Cour supérieure vient de débouter l'entreprise, qui contestait la décision de l'Autorité des marchés financiers (AMF) de l'exclure de tous les contrats gouvernementaux et municipaux.

Le jugement est tombé jeudi dernier et confirme les compétences de l'AMF pour juger de l'intégrité d'une entreprise en s'appuyant sur le travail de l'Unité permanente anticorruption (UPAC). La juge Marie-Anne Paquette a rejeté les prétentions de Bentech, qui a plaidé que la notion d'intégrité élevée est une «notion floue et donne ouverture à l'abus de pouvoir».

La décision mentionne que la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics ne se limite pas à punir les entreprises qui ne paient pas leurs impôts. «Les activités mafieuses et les liens des entreprises avec le crime organisé sont visés», écrit la juge, qui ajoute qu'une «interprétation restrictive, formaliste et hermétique» pourrait compromettre l'objectif du gouvernement.

Témoignages incriminants

La demande de révision judiciaire remonte à l'été dernier, alors que l'AMF venait d'inscrire Bentech au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA). Les témoignages incriminants entendus devant la commission Charbonneau, de l'entrepreneur Lino Zambito et des ingénieurs Gilles Surprenant et Luc Leclerc, ont été pris en compte dans la décision de l'AMF. Bentech aurait participé à un système de fausse facturation. Elle aurait également fait de la collusion avec des entreprises concurrentes dans le domaine des égouts.

Bentech a essayé d'introduire de nouvelles informations pour plaider sa cause, mais le geste a été vertement rejeté. La juge Paquette écrit dans sa décision de 26 pages que le fait de «jouer au chat et à la souris avec l'AMF» n'est pas acceptable.

Selon elle, la responsabilité de l'entreprise était de présenter tous les éléments nécessaires au soutien de sa demande d'autorisation. Elle ne devait pas «tenir pour acquis que l'UPAC, investie de ses larges pouvoirs d'enquête, ferait elle-même le travail de trouver, trier et soumettre à l'AMF tous les documents pertinents à sa place».

Bentech a plaidé devant le tribunal que dans les faits, ce n'est pas l'AMF mais l'Unité permanente anticorruption (UPAC) qui détient le véritable pouvoir de déterminer qui peut ou non brasser des affaires avec les différents corps publics. La Cour supérieure n'a pas retenu cet argument.

Une autre entreprise, BP Asphalte, conteste également le refus de l'AMF de lui accorder une autorisation. BP Asphalte affirme que c'est l'UPAC qui soutient les rênes du pouvoir, en lieu et place de l'AMF. Une décision est attendue.