Depuis l'introduction de la Loi sur l'intégrité, l'Autorité des marchés financiers (AMF) n'a refusé qu'à six entreprises l'autorisation de solliciter des contrats publics. La majorité des entrepreneurs susceptibles d'essuyer un refus ont plutôt choisi de retirer leur demande afin de ne pas se retrouver sur la liste noire du gouvernement.

Ces données ont été rendues publiques hier lors d'un colloque sur les contrats publics organisé par le Conseil du patronat du Québec. Depuis 18 mois, l'AMF estime avoir reçu pas moins de 863 demandes d'autorisation, a indiqué Eric Stevenson, surintendant à l'Autorité. De ce nombre, 342 sont toujours en attente d'une réponse.

La majorité des demandes traitées ont reçu une réponse positive. En effet, 480 entreprises ont reçu le feu vert pour obtenir des contrats depuis décembre 2012.

Parmi les six refus décrétés par l'AMF à la suite des vérifications de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), deux entreprises ont finalement reçu le feu vert de l'AMF, soit la firme de génie Dessau et sa société soeur Verreault. Les deux ont ainsi pu voir leur nom retiré du Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA), sanction qui s'applique automatiquement lorsqu'une entreprise essuie un refus de l'AMF.

La plupart des 35 entreprises qui ont retiré leur demande d'autorisation ont pris cette décision «après avoir reçu un préavis de refus», a indiqué Eric Stevenson. En effet, avant de rendre une décision, l'AMF envoie systématiquement un avis aux entreprises pour les informer de l'orientation de leur dossier. Les entreprises ont ensuite 10 jours pour réagir.

L'AMF n'a pas rendu public le nom des 35 entreprises qui ont choisi de se retirer. Les documents de la Ville de Montréal révèlent toutefois qu'au moins trois entreprises habituées de soumissionner dans la métropole se sont désistées. Il s'agit de Construction DJL, d'Irebec - qui a succédé à Mivela, entreprise de Nicolo Milioto - ainsi que de Pavage C.S.F.

Ces entreprises étaient respectivement aux quatrième, septième et dixième rangs des fournisseurs les plus importants de la Ville de Montréal de 2006 à 2009, selon les données du vérificateur général de Montréal.

Seuil prochainement abaissé

Si ces entreprises ont évité d'être inscrites à la liste noire, Eric Stevenson a indiqué que ce retrait ne leur permettra pas pour autant de passer sous le radar de la Loi sur l'intégrité. Le gouvernement prévoit en effet abaisser le seuil à partir duquel une autorisation est nécessaire pour obtenir un contrat public.

La plus haute fonctionnaire responsable de la Loi sur l'intégrité a en effet indiqué hier que le seuil à partir duquel les contrats sont assujettis à l'obtention d'une autorisation de l'AMF sera prochainement abaissé. Au départ, seuls les contrats de plus de 40 millions étaient visés, mais ce seuil a été ramené à 10 millions en octobre dernier.

À terme, le gouvernement prévoit assujettir tous les contrats de plus de 100 000$, a indiqué Julie Blackburn, secrétaire associée aux marchés publics au Secrétariat du Conseil du trésor. «On ne peut pas tout faire d'un coup. On n'a pas de baguette magique. À terme, 20 000 entreprises seront visées», a indiqué Julie Blackburn. En abaissant le seuil à 5 millions, par exemple, elle estime que 850 entreprises de plus devront obtenir une autorisation de l'AMF.