Les chiffres mensuels de l'emploi sont souvent difficiles à décortiquer, mais la tendance à une longue léthargie des embauches au Québec paraît se poursuivre.

Les données d'avril de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada ont déjoué tous les prévisionnistes.

Même les plus pessimistes ne s'étaient pas attendus à la perte de 28 900 emplois, tous à temps plein de surcroît, d'un océan à l'autre.

Personne n'avait prédit non plus que l'hémorragie allait être concentrée de nouveau au Québec qui, à lui seul, a perdu 32 000 emplois, dont les deux tiers à temps plein. C'est la pire saignée depuis 2005.

Malgré ces chiffres affreux, le taux de chômage est demeuré à 6,9% pour l'ensemble canadien et à 7,6% pour sa société distincte.

À l'opposé, le marché du travail ontarien s'est enrichi de 17 600 emplois, tous à temps plein, mais le taux de chômage a monté d'un cran, à cause de l'augmentation de la cohorte des 15 ans et plus détenant ou cherchant un emploi, c'est-à-dire la population active dans le jargon économique.

Les chiffres pour le Québec sont particulièrement déroutants. On observe ainsi un bond de 11 200 postes dans les administrations publiques. Or, l'EPA a été menée du 13 au 19 avril, soit dans la semaine suivant la tenue des élections générales qui ont ramené les libéraux au pouvoir. Cela signifie que les nombreux travailleurs temporaires embauchés pour le scrutin avaient terminé leur contrat au moment de l'enquête. Il est inconcevable que le gouvernement battu se soit mis à embaucher tous azimuts avant de relayer les rênes de l'État.

Sans cette anomalie, les données auraient été plus sombres encore. Le taux d'emploi, qui mesure la proportion des 15 ans et plus qui détient un emploi, est quand même passé sous la barre des 60%. À 59,7% il est à son niveau le plus faible depuis juillet 2012.

Si le taux de chômage reste stable, même si le Québec compte le même nombre d'emplois grosso modo qu'il y a un an, c'est que sa population active diminue.

Hier, l'agence fédérale n'était pas en mesure de fournir la part de cette diminution attribuable au découragement des sans-emploi à se chercher du travail et la part des gens qui désertent la population active parce qu'ils ont atteint l'âge vénérable de la retraite.

On peut penser que le vieillissement de la population, plus rapide au Québec que dans l'Ouest, commence à exercer sa ponction sur la population active.

Malgré l'augmentation des postes dans les administrations publiques, le gros des pertes d'emplois a été observé dans le secteur des services (29 800). Elles étaient concentrées dans les services de santé et dans le segment de l'hébergement et de la restauration, qui a sans doute pâti de la météo exécrable.

On observe aussi d'ailleurs une diminution des embauches dans ce segment à l'échelle canadienne.

D'un océan à l'autre, le taux de participation s'est également replié. À 66,1%, il atteint un creux qui n'avait pas été observé depuis 2001.

Depuis six mois, le marché du travail canadien évolue bien différemment de l'américain où la création d'emplois s'accélère. Le taux de chômage y est d'ailleurs descendu à 6,3% le mois dernier.

Statistique Canada observe que le taux d'emploi a reculé de trois dixièmes au Canada, alors qu'il a augmenté dans la même proportion chez nos voisins.

Les Américains placent le seuil d'entrée dans la population active à 16 ans, comparativement à 15 pour nous. Selon leurs critères, le taux d'emploi canadien passerait de 61,5% à 62,1%, alors que le taux américain n'est encore que de 58,9%.

Notre taux de chômage serait de 6,0%, soit plus faible que le taux américain.