Alors que le gouvernement s'apprête à sabrer des milliards dans ses dépenses pour rééquilibrer son prochain budget, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a signalé, mercredi, qu'Ottawa devrait faire profiter les provinces de sa marge de manoeuvre financière.

M. Leitao a affirmé qu'il s'attend à une révision afin que le gouvernement fédéral pose un geste en ce sens dans son prochain budget, en début d'année prochaine.

«Il n'y a pas de déséquilibre fiscal comme on l'a connu dans les années 1990, cependant il faut reconnaître qu'Ottawa a une marge de manoeuvre beaucoup plus importante que toutes les provinces et donc on s'attend à ce que dans le prochain budget fédéral, qu'il fasse quelque chose à ce sujet», a-t-il dit.

Dans un échange avec la presse parlementaire avant une réunion du conseil des ministres, M. Leitao a rappelé que les conservateurs à Ottawa ont décidé de plafonner les transferts en santé à partir de 2017.

«(Il faut) qu'ils essaient de revoir avec les provinces parce que n'oublions pas qu'à partir de 2017, il y aura un effort important de réduction, de contenir le rythme des transferts fédéraux aux provinces, a-t-il dit. Donc on dit: ils ont les moyens, alors regardons toutes ces choses-là.»

À Ottawa, la réplique du gouvernement fédéral a été rapide. Le ministre de l'Infrastructure et responsable du Québec, Denis Lebel, a sollicité les journalistes pour déclarer qu'il ne voyait aucun déséquilibre dans les moyens dont disposent les deux ordres de gouvernement.

«Pour nous, il n'y en a pas de déséquilibre fiscal, a-t-il dit. Notre gouvernement retourne à l'équilibre budgétaire suite à un exercice rigoureux de contrôle de nos dépenses, d'économies faites dans tous les ministères et que tout le monde était mis à profit.»

M. Lebel n'a montré aucun signe d'ouverture envers la demande esquissée par M. Leitao. Le ministre fédéral a rappelé qu'Ottawa avait notamment baissé la taxe sur les produits et services de deux points, un champ récupéré à Québec, en plus de compenser l'harmonisation de la TPS ensuite.

«Présentement, c'est au gouvernement du Québec à trouver les économies à l'intérieur de ses opérations», a-t-il dit.

Dans son édition de mercredi, La Presse rapportait que les ministres du gouvernement sont confrontés à une demande du Conseil du trésor afin de réduire leurs dépenses de 2,4 milliards de dollars pour l'exercice en cours, qui se termine en mars prochain.

M. Leitao a déclaré qu'étant donné le peu de temps d'ici au prochain budget, qui doit être déposé en juin, le gouvernement devra sabrer dans ses dépenses administratives avant d'entamer un examen approfondi des programmes pour assainir les finances à long terme.

«Pour aujourd'hui, en six semaines, on n'a pas le temps de faire ces choses-là, donc c'est vraiment dans l'appareil administratif qu'on va aller chercher, contenir la croissance des dépenses», a-t-il dit.

Par la suite, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a confirmé que des décisions sur le partage et l'ampleur des compressions étaient à l'ordre du jour du conseil des ministres.

«Est-ce que les choses se feront de la même façon proportionnellement d'un ministère à l'autre, c'est quelque chose qui n'est pas encore décidé», a-t-il dit.

M. Barrette a indiqué que l'étalement de l'augmentation de la rémunération des médecins sera un des moyens étudiés pour qu'il atteigne ses objectifs budgétaires.

«Il ne peut pas ne pas y avoir une implication des fédérations médicales et il y aura des conversations avec eux après la décision qui aura été prise (mercredi) au conseil des ministres», a-t-il dit.

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a affirmé aux journalistes que «la machine gouvernementale» devra effectuer un premier exercice pour contribuer au retour à l'équilibre budgétaire.

Avant la réunion du conseil des ministres, M. Coiteux a posé en défenseur du portefeuille des contribuables pour expliquer que des décisions difficiles doivent être prises pour «ramener le déficit à zéro rapidement».

«On a un déficit qui est très élevé, on doit l'éliminer, on doit prendre des décisions difficiles, a-t-il dit. Ce qu'on doit faire, c'est que les Québécois en aient pour leur argent.»

M. Coiteux n'a pas donné d'ordre de grandeur, mercredi, mais il y a deux semaines, le premier ministre Philippe Couillard avait chiffré l'impasse à 3,7 milliards de dollars.

«C'est effectivement une situation qui est sérieuse, qui est difficile, qui va exiger des efforts à tout le monde, la machine gouvernementale essentiellement encore une fois parce qu'on respecte le portefeuille des Québécois», a-t-il dit.

M. Coiteux a prévenu que l'effort demandé à l'administration gouvernementale est un premier effort avant la mise en place d'un système permanent de révision des programmes.

«Dans les prochains mois, la révision des programmes va nous permettre de faire un exercice qui est pas mal plus créatif et pas mal plus stimulant et qui rétablira la situation pour le long terme, a-t-il dit. Autrement dit, l'exercice qu'on fait cette année, on n'aura plus à la répéter à chaque année par la suite.»

Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier, a affirmé que la révision des programmes sera plus ciblée que la réingénierie de l'État, une démarche tentée par le précédent gouvernement libéral de Jean Charest.

«C'était une tentative mais peut-être qu'on apprend de ces tentatives-là et que la nouvelle méthode sera une amélioration du processus qui nous approche de l'objectif, à la fin, du déficit zéro», a-t-il dit.