Bush, Schwarzenegger, Sarkozy... Depuis 2009, la chambre de commerce du Montréal métropolitain multiplie les efforts pour inciter des leaders internationaux à venir s'adresser à la communauté des affaires. Ce qui a commencé timidement est devenu aujourd'hui une habitude bien ancrée.

Au début, des promoteurs de Toronto et de Calgary désireux d'organiser une conférence de marque (keynote speech) à Montréal communiquaient avec la Chambre pour avoir accès à ses listes de contacts, qui comptent plus de 50 000 noms. L'organisme aidait les organisateurs à remplir leurs salles et obtenait, en échange, des rabais sur les prix des billets pour ses membres.

«On leur offrait un service gratuit alors que ç'avait l'air d'être payant pour ces promoteurs-là», raconte le PDG de la Chambre, Michel Leblanc, en entrevue à La Presse Affaires.

Une expérience profitable

La Chambre a donc graduellement rapatrié à l'interne l'organisation de ces événements. «On s'est aperçus qu'on pouvait avoir de l'intérêt pour quelqu'un que les promoteurs n'avaient pas vu, dit M. Leblanc. On a donc commencé à se demander qui on voulait inviter et à démarcher.»

L'organisme ne partait pas de rien: il organisait déjà près de 200 déjeuners-conférences, séances de formation et tournées commerciales par année. Mais accueillir les grands de ce monde demande beaucoup plus de planification. Pour Hillary Clinton, la Chambre s'y est prise un an à l'avance.

«Elle est sollicitée partout sur la planète, souligne le PDG de la Chambre, Michel Leblanc. On a été une des premières organisations à déposer une offre auprès de son entourage [après son départ du département d'État, en février 2013].»

Mais pourquoi la Chambre sent-elle le besoin d'offrir sa tribune à des têtes d'affiche internationales? «Ce sont des leaders qui incarnent le succès et qui sont inspirants, répond M. Leblanc. Ils ont aussi une lecture qui peut être intéressante pour le milieu des affaires, que ce soit de la réalité politique, de la technologie ou de l'environnement d'affaires. Idéalement, il faut que les participants puissent en tirer quelque chose qui se rapproche de leurs enjeux de gestion et qui les aidera à prendre les bonnes décisions.»

Attirer de grands noms à Montréal améliore également le positionnement international de Montréal, ajoute Michel Leblanc. Il note que les Français ont été surpris d'apprendre que Nicolas Sarkozy prononçait un discours ici alors qu'il se faisait discret chez lui. «Il y a des villes qui ne peuvent pas tenir de tels événements parce que leurs communautés d'affaires ne les soutiendraient pas», précise-t-il.

Gros revenus, grosses dépenses

C'est aussi devenu une source de financement pour la Chambre. «Il faut que chaque événement dégage au moins une petite marge, indique M. Leblanc. On réutilise les surplus pour financer des activités qui ne s'autofinancent pas complètement comme des formations pour les PME.»

Les profits ne sont pas extravagants, mais ils atteignent tout de même quelques dizaines de milliers de dollars par événement. Il y a cependant une part de risque: si les revenus sont élevés, les dépenses le sont aussi.

«La rémunération [du conférencier] est parfois dans les six chiffres et le premier chiffre n'est pas toujours un 1», résume Michel Leblanc en riant.

La Chambre n'est pas autorisée à dévoiler les cachets de ses invités, mais il ne fait pas de doute que celui de Mme Clinton sera l'un des plus élevés que l'organisme aura versés. L'événement de ce soir générera des revenus de billetterie de plus de 500 000$, ce à quoi il faut ajouter les commandites, dont la valeur n'est pas divulguée publiquement.

Dans le but de permettre au plus grand nombre de personnes d'entendre Hillary Clinton, la Chambre a décidé d'innover en offrant 1460 billets à 50$ chacun, une première. Le prix des autres billets oscillait entre 95 et 295$. Pour le discours de l'astronaute Chris Hadfield, en janvier, des entreprises avaient acheté des billets pour les donner à des jeunes issus de milieux défavorisés.

Maintenant qu'elle a réussi à faire venir Mme Clinton, qui était sa «priorité», la Chambre pense déjà à son prochain invité d'envergure. M. Leblanc ne dit pas qui se trouve sur sa liste, mais on peut penser aux anciens secrétaires d'État Condoleezza Rice et James Baker, à Ben Bernanke, ancien président de la Réserve fédérale, et à Sarah Palin, égérie du mouvement Tea Party.

Sans oublier, bien sûr, Barack Obama. «Le jour où il prendra sa retraite, c'est sûr qu'il va recevoir une offre de la Chambre, lance Michel Leblanc. Michelle Obama aussi!»

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ILS SONT PASSÉS PAR MONTRÉAL

> George W. Bush (octobre 2009): 600 participants

> Richard Branson (février 2010): 522 participants

> Bill Clinton (octobre 2010): 1059 participants

> Arnold Schwarzenegger (janvier 2011): 539 participants

> Chris Hughes, cofondateur de Facebook (juin 2011): 617 participants

> Mikhaïl Gorbatchev (octobre 2011): 528 participants

> Nicolas Sarkozy (avril 2013): 700 participants

> Chris Hadfield (janvier 2014): 1418 participants