La Coalition avenir Québec (CAQ) a lancé sa campagne électorale en présentant le plan budgétaire d'un prochain gouvernement qui mise sur une compression immédiate de certaines dépenses et une révision des crédits d'impôt aux entreprises, afin de rétablir le déficit zéro dès la première année.

Suivraient durant les trois années subséquentes une série d'allègements du fardeau fiscal et tarifaire des Québécois, qui pourraient s'élever jusqu'à 2,5 milliards par an dans le budget 2017-2018.

Parmi ces mesures, l'élimination de la taxe scolaire à compter de 2016-2017 pourrait peser à elle seule quelque 1,5 milliard en économie fiscale. S'y ajouteraient quelque 767 millions provenant de l'élimination progressive de la taxe santé, qui serait amorcée dès l'exercice 2014-2015.

De l'avis d'analystes consultés par La Presse, ce plan budgétaire présenté par la CAQ est «très ambitieux», considérant la complexité de l'État québécois et les défis sociaux qui le confrontent, notamment avec le vieillissement de la population. Cependant, tous doutent fortement de la «faisabilité» à court terme, comme le propose la CAQ, de rétablir l'équilibre budgétaire dès l'exercice 2014-2015. Au mieux, estiment ces analystes, c'est à compter de l'exercice suivant, en 2015-2016, que le plan budgétaire de la CAQ pourrait vraiment se manifester dans les états financiers d'un prochain gouvernement.

Le plan budgétaire de la CAQ

> Retour au déficit zéro dès l'exercice 2014-2015, qui débute en avril

> Réduction progressive du fardeau fiscal allant de 190 millions en 2014-2015 jusqu'à 2,5 milliard en 2017-2018

> Diminution progressive des dépenses allant de 1,9 milliard en 2014-2015 jusqu'à 2,3 milliards en 2017-2018

> Augmentation des revenus réduite à 690 millions en 2014-2015, jusqu'à 229 millions en 2017-2018

Source: Cadre financier de la Coalition avenir Québec, 6 mars 2014

Ce qu'ils en pensent

Jean-Michel Cousineau, économiste et professeur, École des relations industrielles de l'Université de Montréal, et président du comité des politiques publiques à l'Association des économistes québécois

«On peut féliciter la CAQ d'avoir présenté un cadre financier dès le début de la campagne, pour alimenter les débats. Cela dit, il y a des éléments qui m'apparaissent trop ambitieux dès la première année, comme un gain de revenus de 450 millions avec la révision des crédits d'impôt et des subventions aux entreprises. Pour être sérieux dans ce domaine, on ne peut pas faire ça en quelques mois sans passer par des consultations et des examens détaillés, étalés sans doute sur un an ou deux.

«Par ailleurs, la réduction des coûts de main-d'oeuvre de l'ordre de centaines de millions de dollars dès la prochaine année m'apparaît impossible à réaliser avec la seule réduction des embauches et l'attrition [départs non comblés]. Il faudra nécessairement effectuer des centaines de mises à pied dans les services publics, ce qui n'est pratiquement pas possible avec les conventions collectives.»

Jean-Luc Landry, économiste et investisseur, président de Gestion de portefeuille Landry (Montréal)

«Il y a quelque chose d'impossible dans ce plan de la CAQ, c'est la baisse des dépenses dès cette année (2014-2015) de l'ordre de 1,3 milliard, dont plus de 500 millions en main-d'oeuvre. Bien des ministres des Finances ont promis ça et s'y sont essayés antérieurement, et ça n'a jamais fonctionné. Pour vraiment comprimer les dépenses, il faut changer toutes les façons de faire de l'État, surtout dans les services de santé, qui représentent maintenant la moitié du budget.

«En matière fiscale, je considère qu'il n'est pas réaliste de promettre aux Québécois des baisses d'impôt lorsque l'on considère les difficultés budgétaires des prochaines années en raison, notamment, du vieillissement de la population. Tout au plus, il serait plus réaliste de s'en tenir à la stabilité du fardeau fiscal, pas sa réduction.

«Aussi, je suis déçu que la CAQ veuille annuler des hausses de tarifs [garderies, Hydro-Québec] parce que ça s'éloigne du modèle utilisateur-payeur sur lequel nous nous étions mis d'accord, collectivement, il y a plusieurs années.»

Luc Godbout, économiste et professeur en fiscalité, Université de Sherbrooke (Campus Longueuil)

«Au-delà du mérite de la CAQ d'avoir présenté un cadre budgétaire aussi tôt en campagne, j'ai de sérieux doutes sur certains éléments.

«D'une part, la réduction de dépenses de plus de 1 milliard dès le prochain exercice 2014-2015 m'apparaît très difficile, sinon impossible à réaliser. Surtout par un gouvernement qui entrerait vraiment en fonction plusieurs semaines après le début de cet exercice financier, en avril.

«D'autre part, la majeure partie des économies d'impôts et de tarifs promises pour dans quatre ans, de l'ordre de 2,5 milliards, serait financée par la réduction de 2,5 milliards des frais de main-d'oeuvre, qui proviendrait surtout de la réduction des embauches dès l'exercice 2014-2015.

«Mais comment pourront-ils faire ça sans remettre en question une quantité de services aux citoyens, incluant des soins de santé et des programmes sociaux?»