Légiférer pour forcer les instances publiques et les autres donneurs d'ordres à payer plus rapidement les entrepreneurs? C'est une solution que mettent de l'avant de plus en plus d'associations du milieu de la construction.

En mai, le député Steven Del Duca, adjoint parlementaire du ministre ontarien des Finances, Charles Sousa, a déposé un projet de loi privé qui obligerait notamment les clients à effectuer régulièrement des paiements aux entrepreneurs. De plus, si elle était adoptée, la loi interdirait à un payeur de retenir des paiements à la fin des travaux, sauf pour la portion faisant l'objet de litiges. Le texte bénéficierait autant aux entrepreneurs qu'à leurs sous-traitants.

L'initiative, la première du genre au Canada, s'inspire de la Prompt Payment Act instaurée en 1982 par le gouvernement fédéral américain. La loi oblige Washington à payer ses fournisseurs dans les 30 jours, sans quoi des intérêts de retard doivent être versés. En 1988, la loi a été modifiée pour imposer les mêmes obligations aux entrepreneurs généraux à l'égard de leurs sous-traitants.

À l'exception du New Hampshire, tous les États américains ont adopté des lois similaires au fil des ans. Dans le tiers des États, la mesure ne s'applique pas qu'aux contrats publics, mais aussi à ceux conclus dans le secteur privé.

Un problème universel

Le problème des retards de paiement est universel. L'Union européenne, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont tous adopté des dispositions législatives dans le but de contrer le fléau.

Les membres de l'Union européenne (UE) avaient jusqu'en mars pour traduire dans leur législation la plus récente directive de Bruxelles, qui ne s'applique pas qu'au secteur de la construction, mais à toutes les industries. En France, le gouvernement a mis sur pied l'Observatoire des délais de paiement pour surveiller la situation. De 2000 à 2011, les délais clients sont passés de 54 à 44 jours en moyenne. L'entrée en vigueur d'une loi sur le paiement rapide, en 2009, n'a pas permis d'accélérer les progrès.

Au Québec?

Les acteurs de l'industrie québécoise de la construction suivent avec intérêt le cheminement du projet de loi ontarien, même s'ils sont conscients qu'une telle mesure ne réglerait pas tous les problèmes.

«L'idée, c'est que le principe du paiement rapide soit inscrit dans une loi pour que tout le monde puisse s'y référer, peu importe ce que les contrats peuvent dire», explique Steve Boulanger, de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec.

Diverses associations de l'industrie ont mis sur pied un groupe de travail afin d'étudier la pertinence d'instaurer une loi sur le paiement rapide au Québec. Elles ont évoqué l'idée au cours d'une rencontre tenue en octobre avec des représentants du Conseil du Trésor.

Jean Auclair, porte-parole du Ministère, a confirmé dans un courriel qu'une loi figurait «parmi les diverses avenues à l'étude».

Mais avant d'aller de l'avant, le gouvernement veut documenter le problème en demandant aux donneurs d'ordres publics de préciser leurs façons de faire avec les entrepreneurs. Québec souhaite aussi recenser les mesures mises en place par d'autres gouvernements, a précisé M. Auclair.

Une éventuelle loi devrait vraisemblablement s'attaquer aux clauses dites de «paiement sur paiement», qui permettent aux entrepreneurs généraux de ne payer leurs sous-traitants et fournisseurs qu'après avoir eux-mêmes été payés par leurs clients. À plusieurs reprises ces dernières années, la Cour d'appel du Québec a confirmé la validité de ces clauses contractuelles.

Chose certaine, alors que plusieurs conservent un mauvais souvenir des controverses entourant les «extras», les entrepreneurs devront travailler dur pour convaincre les politiciens d'adopter une loi pour leur venir en aide.