Le portefeuille de titres de multinationales dont la Caisse de dépôt et placement vient de se doter en gestion interne va bien, au point qu'elle veut le grossir jusqu'à 10 % de son actif d'ici un an, à la fin de 2014.

En dollars, ça signifie que ce portefeuille constitué de «70 à 80» des plus grandes entreprises du monde approcherait alors les 20 milliards de dollars, presque deux fois sa taille actuelle.

«Nous constituons ce portefeuille depuis le début de 2013 et nous voulons poursuivre jusqu'à la fin de 2014. Nous ciblons 10 % de l'actif total de la Caisse à ce moment, soit presque 20 milliards», a indiqué Roland Lescure, premier vice-président et chef des placements de la Caisse, jeudi, en marge d'un colloque de gestionnaires de placement et de caisses de retraite.

La constitution et la gestion d'un portefeuille de titres de multinationales avec une équipe d'analystes spécialisés est l'un des principaux projets menés par M. Lescure depuis son arrivée à la Caisse, au sein de l'équipe de direction mise en place par Michael Sabia.

Virage complet

Ce projet est particulier dans l'histoire récente de la Caisse parce qu'il marque un virage complet de l'approche antérieure des placements boursiers internationaux.

Selon M. Lescure, cette approche s'est avérée très désavantageuse pour la Caisse durant la crise financière et boursière de 2008, puis les premiers sursauts de sortie de crise.

«Nous n'avons pas été bons durant la crise avec nos actions internationales parce que nous étions trop collés aux indices», a-t-il indiqué.

«La lutte pour battre les indices, il y a beaucoup de monde là-dedans. Beaucoup de fonds communs, beaucoup de fonds à court terme. Pour la Caisse, il n'y a aucun avantage comparatif.»

En contrepartie, a expliqué M. Lescure, «l'un de nos avantages comparatifs à la Caisse, c'est le temps. C'est la capacité d'être un investisseur patient».

C'est ce qui a motivé la création d'un portefeuille de multinationales qui est géré à l'interne et de façon particulière à la Caisse au bénéfice de ses clients, les plus importantes caisses de retraite publiques des Québécois.

«Nous avons recruté des gens capables d'analyser en détail les entreprises, y compris des spécialistes comme des géologues, des ingénieurs, etc. Ils connaissent la réalité des entreprises», selon M. Lescure.

«Nous sélectionnons ainsi des grandes entreprises internationales et nous y investissons parce qu'elles sont bonnes. À terme, nous sommes convaincus d'avoir un portefeuille bien diversifié qui fera mieux que les indices.»

Le Québec n'est pas en reste

Cela dit, selon M. Lescure, ces ambitions internationales de la Caisse ne se réalisent pas au détriment de ses autres portefeuilles d'importance.

Les investissements au Québec, par exemple, continueront de croître au-delà de leur niveau de 47 milliards, tous actifs confondus, incluant 27 milliards en titres d'entreprises québécoises.

Aussi, la Caisse veut profiter de la défaveur des investisseurs envers les économies émergentes pour y investir davantage, avec des partenaires locaux. Ce portefeuille pourrait s'élever à 10 % de l'actif de la Caisse «d'ici trois ou quatre ans», selon Roland Lescure.

«Je me méfie des consensus en Bourse, dont celui que le cycle de croissance des économies émergentes soit terminé. Or, cette croissance demeure une tendance lourde inévitable. Elle sera juste moins rapide et uniforme qu'auparavant.»