Après la première ministre Pauline Marois, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a reconnu que le Québec pourrait bien ne pas atteindre son objectif de déficit zéro cette année comme prévu. La Presse a demandé à trois agences de notation si le report de l'atteinte du déficit zéro aurait des conséquences sur la cote de crédit du Québec et son taux d'emprunt.

CE QUE PENSENT LES AGENCES...

Le gouvernement du Québec doit normalement atteindre le déficit zéro cette année. S'il est forcé de retarder son objectif d'un an, les agences de notation seront-elles tentées de réviser sa cote de crédit à la baisse? Sans se commettre, trois d'entre elles analysent la situation.

Fitch

«C'est difficile de prédire ce que notre comité décisionnel [sur la cote de crédit] ferait, mais nous sommes davantage préoccupés par la dette à long terme du Québec. La cote de crédit est basée sur le fait que la province puisse réduire son niveau d'endettement. Même si la croissance est faible, l'économie est dans une phase de croissance, dans une phase où le Québec doit réduire sa dette avant le prochain cycle de récession qui ne le permettra pas.»

- Doug Offerman, directeur principal des finances publiques, Fitch Ratings

Cote de Fitch: AA- depuis 2002, quatrième des meilleures cotes possible, dernier rang sur les 4 provinces (Ontario, Saskatchewan, Colombie-Britannique, Québec) évaluées par l'agence

DBRS

«Nous en aurons une meilleure idée plus tard cet automne, mais nous disons déjà dans notre dernier rapport en février que ce serait un défi de respecter [le déficit zéro en 2013-2014]. Ce sera un défi d'atteindre les cibles. Le gouvernement contrôle ses dépenses, mais une partie de ses revenus dépend de l'état de l'économie. Notre approche est d'établir une cote de crédit à travers un cycle économique. Nous voulons penser à long terme. Il est vrai que certaines provinces canadiennes ont retardé leurs efforts pour atteindre le déficit zéro, mais elles ont un ratio d'endettement moins élevé [que le Québec].»

- Travis Shaw, vice-président des finances publiques, DBRS

Cote de DBRS: A (élevé) depuis 2006, cinquième des meilleures cotes possible, cinquième groupe sur cinq avec deux autres provinces

Moody's

«L'économie du Québec a performé plus lentement que ce qui était anticipé dans le budget, et le gouvernement a reconnu la pression additionnelle pour atteindre un budget équilibré cette année. Nous continuons de surveiller les développements comme ils surviennent.»

- Michael Yake, vice-président adjoint et analyste, Moody's

Cote de Moody's: Aa2 depuis 2006, troisième des meilleures cotes possible, troisième et dernier rang avec cinq autres provinces

Standard & Poor's n'a pas commenté sur la possibilité que le Québec retarde d'un an l'atteinte du déficit zéro.

Cote de Standard & Poor's: A" depuis 2000, cinquième des meilleures cotes possible, 4e rang sur 5 avec trois autres provinces.

CE QUE PENSE QUÉBEC...

Québec confiant de maintenir sa cote de crédit

Le gouvernement Marois ne pense pas que la cote de crédit du Québec risque de se détériorer. «Les agences regardent la volonté de contrôle des dépenses et le plan de réduction de la dette, dit le ministre des Finances du Québec, Nicolas Marceau. Nous avons limité l'augmentation des dépenses à 1,7% en 2012-2013 et nous visons 1,9% pour l'exercice en cours. Les emprunts de 500 millions que nous devançons cette année [en raison de la nouvelle Politique économique du Québec] ne seront pas à emprunter dans un an ou deux, comme nous l'avions prévu. À moyen terme, ça n'augmente pas la dette.»

- Vincent Brousseau-Pouliot et Rudy Le Cours

Le Québec n'est pas seul

En 2013, cinq provinces canadiennes ont annoncé qu'elles retarderaient leur retour à l'équilibre budgétaire. Aucune d'entre elles n'a subi une décote de la part de l'agence de notation DBRS. Avant de subir une décote, une administration publique voit généralement sa cote de crédit mise sous surveillance par l'agence de notation, ce qui n'est pas le cas du Québec actuellement.

- Vincent Brousseau-Pouliot

Québec a-t-il le droit de faire un déficit?

Oui, malgré la Loi sur l'équilibre budgétaire. Cette loi oblige toutefois tout gouvernement qui ferait un déficit supérieur aux cibles budgétaires à le rembourser dans les années suivantes. Si le dépassement est inférieur à 1 milliard par rapport aux cibles fixées par Québec une année, le gouvernement doit rembourser le montant du dépassement dès l'année suivante. Si le dépassement est de 1 milliard ou plus, il doit être remboursé dans un délai de cinq ans. En 2013-2014, Québec s'est fixé comme cible budgétaire d'atteindre le déficit zéro. À titre d'exemple, un déficit de 500 millions cette année devrait être remboursé en 2014-2015, tandis qu'un déficit de 1,5 milliard devrait être remboursé d'ici 2018-2019.

- Vincent Brousseau-Pouliot

La dette bientôt plus importante que le déficit?

Selon l'économiste Stéfane Marion, la réduction de la dette est un objectif plus important que le déficit zéro, aux yeux des agences de notation. «Maintenir le plan de réduction de la dette, c'est le plus important pour demeurer crédible auprès des agences. La réalité, c'est qu'on peut faire un déficit zéro tout en augmentant la dette. C'est le ratio dette-produit intérieur brut (PIB) qui deviendra de plus en plus important pour les marchés financiers», dit l'économiste en chef de la Banque Nationale, qui estime "important" de maintenir la cote de crédit du Québec.

«Un changement de cote peut avoir des ramifications sur les coûts d'emprunt, d'autant plus que nous sommes dans une situation où les taux d'intérêt sont maintenus artificiellement bas par les banques centrales», dit-il.

Son collègue Benoit Durocher, économiste au Mouvement Desjardins, rappelle qu'il est difficile - voire impossible - de prédire avec certitude l'impact financier d'une décote. «C'est une science très imprécise», dit-il.

- Vincent Brousseau-Pouliot