Le Québec refuse catégoriquement de s'associer au projet de création d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières, tel qu'annoncé jeudi par le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty.

Une fois de plus, le gouvernement Marois n'hésitera donc pas à utiliser tous les recours juridiques disponibles pour contrecarrer l'initiative d'Ottawa.

L'entente de principe annoncée jeudi a été conclue entre le gouvernement fédéral et deux provinces, la Colombie-Britannique et l'Ontario, en vue de mettre sur pied un tel organisme, dans l'espoir que les autres provinces se joindront au groupe pour que tout le pays y participe.

Le projet, qui date de plusieurs années, est une éternelle pomme de discorde entre Ottawa et certaines provinces, dont l'Alberta et le Québec, qui s'y opposent farouchement.

Le différend s'est retrouvé devant les tribunaux et, en 2011, la Cour suprême donnait raison aux provinces récalcitrantes. Mais le plus haut tribunal au pays laissait une porte entrouverte, si Ottawa adoptait une approche plus coopérative avec les provinces.

Aux yeux de Québec, le gouvernement Harper tente donc maintenant de faire indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement, en empiétant sans scrupules dans un champ de compétence exclusivement provincial, et ce, malgré l'avis de la Cour suprême.

«C'est inacceptable», a tranché le ministre québécois des Finances, Nicolas Marceau, en point de presse, en faisant valoir que le milieu de la finance était un secteur vital pour l'économie du Québec avec «6 pour cent du PIB et 150 000 jobs».

«Il n'est pas question de laisser faire ça», a indiqué M. Marceau.

La future commission pancanadienne gérera une seule liste de règlements et sera dirigée par un conseil d'administration indépendant. Elle aura son siège social à Toronto.

Un tel système protégera mieux les investisseurs, a fait valoir de son côté le ministre Flaherty, dans un  communiqué. De plus, ce projet est un bel exemple de «fédéralisme de concertation», selon lui.

«Nous continuons de respecter les compétences des gouvernements du Québec, les gouvernements provinciaux. Cet accord a créé un système coopératif, pas fédéral, pas provincial, mais coopératif. Alors je pense que Québec peut regarder le système comme un système acceptable pour le gouvernement du Québec», a commenté M. Flaherty, en conférence de presse, à Ottawa.

Mais le Québec ne voit pas les choses ainsi. Ottawa agit «de façon unilatérale, sans avertir le gouvernement du Québec» et en faisant fi des règles du jeu, a renchéri le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, en rappelant que l'Assemblée nationale avait adopté à trois reprises, dans le passé, une motion dénonçant le projet fédéral.

«Nous n'hésiterons pas à saisir les tribunaux, devant cette offensive nouvelle de la part du gouvernement fédéral», a-t-il dit, en attendant un avis juridique pour savoir s'il pouvait aller de l'avant.

Il existe déjà un système d'harmonisation - un régime de «passeports» - entre les provinces, pour faciliter la vie aux investisseurs, a indiqué le ministre Marceau, amer.

Il se dit convaincu que la commission pancanadienne va en fait «profiter au secteur financier de Bay Street à Toronto».

Or, M. Marceau estime que s'il n'y a qu'un seul régulateur à Toronto, «l'ensemble de l'industrie financière va avoir tendance à se concentrer là».

«Avoir un régulateur sur son territoire, c'est important», a-t-il ajouté, certain d'avoir l'appui d'au moins une autre province, l'Alberta, dans sa croisade.

À Montréal, l'ex-premier ministre Bernard Landry a emboîté le pas pour estimer que «leur obsession (au gouvernement fédéral), c'est de concentrer les pouvoirs à Ottawa et d'en enlever le plus possible au Québec». Selon lui, «jamais, ça va convenir au Québec», qui forme une nation et non «une simple province».

Le sujet sera d'ailleurs à l'ordre du jour de la prochaine rencontre des ministres des Finances, dimanche et lundi, et le Québec entend bien y exprimer sa façon de penser.

Les milieux d'affaires québécois ne sont pas plus entichés du projet d'Ottawa que ne l'est le gouvernement Marois.

Car le gouvernement du Canada devrait «absolument abandonner» son idée, «qui pourrait endommager notre secteur économique à long terme, créer des turbulences sur les marchés et affaiblir les provinces», selon la présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), Françoise Bertrand.

Même son de cloche du côté de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui se dit persuadée que la future commission «mènerait à une centralisation de la réglementation des valeurs mobilières» allant à l'encontre du développement économique du Québec. Un tel organisme centralisé serait «tout simplement superflu et redondant», a indiqué par voie de communiqué le président de la Chambre, Michel Leblanc.