La mise en place d'un nouvel oléoduc entre l'Alberta et les Maritimes, annoncé jeudi par TransCanada, pourrait ranimer des projets d'investissements de plusieurs dizaines de millions de dollars dans les raffineries de Montréal-Est et Lévis, selon plusieurs analystes.

«C'est une excellente nouvelle pour l'industrie pétrochimique de tout l'est du Canada», estime Pierre Lacroix, analyste des entreprises d'énergie chez Desjardins Marchés des capitaux.

Pourquoi? C'est qu'avec ce nouvel accès à du pétrole de l'Ouest à prix moindre et en quantité considérable, ces deux raffineurs espèrent réduire leur dépendance envers les approvisionnements en pétrole "Brent" provenant d'outre-mer, souvent le plus cher sur le marché mondial.

Toutefois, afin de pouvoir raffiner ce pétrole plus lourd que celui qu'elles traitent actuellement, Suncor et Ultramar devront rénover et renforcer une partie de leurs usines de raffinage d'une grande complexité à Montréal-Est et à Lévis.

Chez Suncor, qui peut raffiner 137 000 barils par jour, les dirigeants basés à Calgary ont déjà fait état d'investissements de mise à niveau de l'ordre d'une cinquantaine de millions de dollars. Ce projet est aussi considéré comme salvateur à moyen terme pour la dernière raffinerie de Montréal-Est, qui emploie encore quelque 500 salariés.

Chez Ultramar, une filiale du groupe texan Valero Energy, on prévoit faire un investissement de l'ordre de 120 millions à la raffinerie de Lévis, dont la capacité est de quelque 265 000 barils par jour.

Ce projet d'Ultramar comprend un réaménagement de ses installations portuaires sur le Saint-Laurent, évalué à une vingtaine de millions de dollars.

Selon les informations transmises hier par TransCanada, son futur oléoduc Énergie Est pourrait faire transiter jusqu'à 1,1 million de barils par jour de pétrole de l'Alberta vers le Québec et les Maritimes. Ces livraisons pourraient débuter dans quatre ans, si les prochaines étapes de son projet se réalisent comme prévu.

Entre-temps, sa concurrente Enbridge projette aussi d'acheminer jusqu'à 300 000 barils par jour de brut nord-américain vers l'est du Canada en inversant le flot de son oléoduc actuel entre Montréal, l'Ontario et l'Ouest canadien.

L'échéancier cible d'Enbridge est plus rapproché que celui de TransCanada, soit dans deux ans, si elle arrive à décrocher les approbations réglementaires comme prévu.

En tout, donc, ce sont quelque 1,4 million de barils de brut albertain supplémentaires par jour dont pourraient disposer d'ici cinq ans les deux raffineries du Québec, ainsi que leur concurrente Irving au Nouveau-Brunswick.

«Avec les projets de TransCanada et d'Enbridge, ces raffineurs bénéficieraient de deux autres points d'offre de pétrole brut pour concurrencer leur principale source actuelle: le brut venu d'outre-mer par oléoduc [du Maine] et par navire, et un tout petit peu par rail», explique l'analyste Pierre Lacroix.

Un tel volume de 1,4 million de barils de pétrole par jour s'annonce déjà bien supérieur aux besoins actuels des trois raffineries de l'Est du Canada, qui peuvent atteindre 705 000 barils par jour.

D'où la confirmation, hier, par Irving d'un projet de nouveau terminal portuaire d'exportation de pétrole près de sa raffinerie de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, qui sera à l'extrémité est du futur oléoduc de TransCanada.

Aussi, pour rassurer ses actionnaires et financiers face à son projet d'oléoduc évalué à 12 milliards, TransCanada a indiqué avoir déjà conclu des ententes de livraison à long terme avec divers clients pour au moins 900 000 barils par jour.

En Bourse, la première réaction des investisseurs a été positive. Ils ont poussé les actions de TransCanada en hausse de 2,3% à 48,01$, portant sa capitalisation boursière totale tout près des 34 milliards.