Alstom voit plus loin que le métro de Montréal pour sa toute nouvelle usine de fabrication de bogies de Sorel-Tracy.

«Cette usine de bogies va nous permettre d'alimenter nos ambitions sur l'Amérique en transport ferroviaire, plus particulièrement en ce qui concerne les métros et les tramways», a déclaré le président d'Alstom au Canada et aux États-Unis, Pierre Gauthier, dans une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires.

Alstom inaugure aujourd'hui même sa nouvelle usine dans le complexe industriel de Sorel-Tracy, à deux pas de ses usines existantes de fabrication d'appareillages hydrauliques.

La nouvelle installation devrait permettre de créer une centaine d'emplois directs à Sorel-Tracy.

Alstom a érigé cette usine pour fabriquer les bogies des 468 nouvelles voitures du métro de Montréal. Une fois les bogies complétés, Alstom les enverra à l'usine de Bombardier à La Pocatière, qui les intégrera aux voitures construites sur place.

Ces voitures remplaceront les vieilles voitures de la série MR-63, qui roulent dans les tunnels du métro de Montréal depuis près de 50 ans.

Autre contrat en vue

Alstom a également les yeux fixés sur le remplacement des voitures de la série MR-73, un contrat qui pourrait porter sur 423 voitures supplémentaires.

«C'est quelque chose qui va venir un peu plus tard, a noté M. Gauthier. On ne sait pas encore comment va se structurer l'appel d'offres pour la balance des voitures du métro.»

La nouvelle usine pourrait jouer un rôle dans la construction des nouveaux tramways de la ville d'Ottawa, un contrat que vient de décrocher Alstom.

Le bogie est en effet une pièce d'équipement qui peut s'adapter à différents types de voitures de métro et de tramway.

«En Amérique, il y a une trentaine de villes qui sont à diverses étapes d'approvisionnement pour des tramways, a souligné M. Gauthier. Le gain d'Ottawa nous a permis de développer une conception nord-américaine de notre tramway. Nous regardons la possibilité que l'usine de Sorel-Tracy puisse fabriquer des équipements pour ce matériel qui, j'espère, sera un bon succès en Amérique.»

Pour Alstom, la nouvelle usine de bogies constitue un retour dans le domaine du transport au Canada. Dans les années 90, l'entreprise avait plus de 900 employés dans des installations de fabrication et de réfection de matériel ferroviaire à Pointe-Sainte-Charles, ainsi qu'un «énorme carnet de commandes».

«Septembre 2001 est arrivé, et le marché s'est écrasé dans le domaine ferroviaire, a déclaré M. Gauthier. Beaucoup de contrats ont été reportés ou annulés. Ç'a été une de mes premières tâches, comme président canadien, de signer la fermeture de cette usine.»

Il s'est donné comme objectif de revenir en force dans le domaine du transport au Canada.

Le gouvernement du Québec a cependant failli mettre fin à cet espoir en accordant le contrat de remplacement des voitures du métro de Montréal à Bombardier sans appel d'offres. Ce n'est qu'après un long combat juridique que la Société de transport de Montréal (STM) a organisé un processus d'appel d'offres en bonne et due forme.

Bombardier et Alstom ont alors décidé d'allier leurs forces et de former un consortium.

«Cette division industrielle était simple et efficace, a expliqué M. Gauthier: la partie moteur-traction d'Alstom est de la toute dernière génération, alors que Bombardier est un spécialiste avec La Pocatière pour compléter tout le matériel roulant. C'est une bonne association.»

Grâce au contrat de 1,2 milliard de dollars, dont 493 millions pour la participation d'Alstom, cette entreprise a pu reprendre pied à Sorel-Tracy. «Je suis bien heureux d'être celui qui est encore là pour la reprise des activités, s'est réjoui M. Gauthier. C'est plus plaisant de créer des emplois que de les réduire.»

Parce que les délais étaient serrés, Alstom a décidé d'installer la machinerie à son usine française Le Creusot et d'y envoyer une équipe de travailleurs pour s'y faire former.

«Une fois que tout a été bien, nous avons ramené machines et employés à Sorel-Tracy, a raconté M. Gauthier. Nous sommes prêts à démarrer rapidement en assurant la qualité du produit.»

Alstom devrait livrer les premiers bogies à Bombardier d'ici la fin de l'année. La production devrait battre son plein à l'usine de Sorel-Tracy vers le milieu de 2014.

Qu'est-ce qu'un bogie?

Le bogie est ce chariot motorisé à deux essieux, situé sous la voiture, qui est articulé et qui permet ainsi au métro de prendre les courbes.

Le feu vert est donné

Alstom Énergie a dû mettre brièvement en veilleuse un projet avec Hydro-Québec en attendant d'obtenir l'autorisation de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

L'entreprise a toutefois obtenu ce fameux feu vert il y a quelques semaines, et le travail a pu démarrer.

«La loi 1 est venue créer une pause, mais le besoin pour les projets est bien réel, bien vivant, a affirmé le président d'Alstom pour le Canada et les États-Unis, Pierre Gauthier. Tous nos clients avaient bien hâte qu'on obtienne cette autorisation.»

Alstom fabrique à Sorel-Tracy de l'appareillage pour les turbines hydroélectriques, notamment des roues de turbine et des câbles de cuivre.

Elle vise plus particulièrement le marché de la réhabilitation des centrales hydroélectriques existantes.

«On fait beaucoup de réhabilitation, surtout aux États-Unis, où il y a moins de possibilités de nouvelles installations hydroélectriques», a déclaré M. Gauthier.

Le Canada n'est pas en reste. «Nous avons eu le contrat pour une partie des unités de LG-2, a noté M. Gauthier. Ce n'est pas si vieux, la Baie-James, mais la technologie a avancé à ce point, le rendement et la productivité des nouvelles unités sont tels qu'il est rentable pour les clients de les changer.»

Il a indiqué que le barrage représentait plus de 90% d'un projet hydroélectrique. L'équipement qui génère les revenus, l'équipement hydraulique, en représente moins de 10%.

«Si on augmente la rentabilité de l'ensemble d'un projet en investissant uniquement dans les équipements électromécaniques, c'est très bon pour les clients», a-t-il affirmé.

Le vice-président et directeur général d'Hydro Amérique du Nord chez Alstom, Claude Lambert, a rappelé que beaucoup de centrales hydroélectriques au Canada et aux États-Unis avaient été construites dans les années 50 et 60. Elles ont besoin d'une cure de rajeunissement.

«On continue à faire de la recherche et du développement, on peut apporter de la capacité additionnelle et du rendement additionnel, a-t-il expliqué au cours d'une visite dans les usines d'Alstom à Sorel-Tracy. Nous pouvons ainsi améliorer le rendement d'une centrale comme Beauharnois de 20%.»