La grève dans l'industrie de la construction a vite allumé des signaux d'alarme au ministère des Finances. Un conflit de travail prolongé peut compromettre l'atteinte de l'équilibre budgétaire cette année, objectif jugé sacré par le gouvernement de Pauline Marois.

Voilà pourquoi les parties ont vite été incitées à revenir à la table de négociations par la première ministre.

Québec ne peut tout simplement pas se priver de l'impôt sur les revenus de quelque 175 000 personnes qui gagnent pour la plupart de bons salaires, ni de celui des gens qui travaillent en amont de cette industrie. Surtout au moment où ses coûts d'emprunt augmentent, malgré la gestion très dynamique de sa lourde dette.

Le Plan budgétaire de 2013-2014 repose sur l'hypothèse d'une croissance réelle de 1,3% cette année. La semaine dernière, trois institutions ont fait de nouvelles projections pour le Québec, toutes très voisines du scénario printanier du ministre Nicolas Marceau: Desjardins prévoit 1,3%, tandis que la Banque Royale et le Conference Board voient 1,4%.

Il n'y a pas d'heureuse surprise à attendre de ce côté. Le recul de 0,7% des ventes des détaillants en avril, annoncé vendredi, suggère plutôt le contraire.

Le Plan budgétaire table sur une croissance de 5,7% des revenus autonomes du Québec sur la base d'une expansion de 3,7% de l'économie, mesurée en dollars courants, et sur de nouvelles ponctions fiscales comme celle de 1,75% pour la tranche de revenus imposables des particuliers supérieure à 100 000$ et des taxes accrues sur le tabac et l'alcool.

Pour boucler le budget de 2012-2013 avec un déficit de 1,5 milliard de dollars, Québec avait dû compenser des recettes fiscales moins élevées à cause d'une croissance anémique en pigeant dans la réserve pour imprévus de 200 millions et en ayant pu compter sur un service de la dette moins coûteux que prévu, en raison de coûts d'emprunt plus avantageux.

Cette dernière avenue s'est refermée avec la correction en cours sur le marché obligataire nord-américain.

En un mois, les taux sur les obligations du Trésor américain venant à échéance dans 10 ans ont bondi de 56 centièmes, dont plus de 35 points depuis l'annonce de la Réserve fédérale. Mercredi après-midi, son président Ben Bernanke avait indiqué que la Fed avait l'intention de diminuer l'automne prochain le rythme de ses achats mensuels d'obligations qui sont fixés à 45 milliards par mois depuis janvier. L'objectif est d'y mettre fin à la mi-2014.

Même si l'économie canadienne n'est pas dopée de dollars par sa banque centrale, le taux des obligations du gouvernement fédéral venant à terme dans 10 ans évolue en étroite corrélation avec celui des obligations américaines.

Comme le taux des obligations provinciales est fixé sur celui des obligations canadiennes auquel il faut ajouter une prime de 90 à 95 points centésimaux, selon l'humeur des prêteurs, les coûts d'emprunt du Québec vont augmenter.

En fait, Québec doit déjà consentir des rendements plus élevés à ses bailleurs de fonds.

Début mai, la province avait émis une tranche de 500 millions d'une obligation venant à échéance le 1er septembre 2023. L'émission lui coûte 2,724% en intérêts annuels. Depuis, elle a émis trois autres tranches de 500 millions aux taux de 2,873%, 3,012% et 3,133%. L'écart de taux entre la première et la quatrième tranche représente 2,05 millions de plus à payer chaque année pendant 10 ans pour une même tranche de dette empruntée à sept semaines d'intervalle!

Et ce n'est pas fini. L'emprunt à 3,133% a été réalisé mardi, la veille de l'annonce de la Fed. Depuis, les taux des obligations canadiennes de 10 ans ont bondi. Vendredi, ils étaient rendus à 2,45%. Ajoutez 90 ou 95 centièmes...

On saura demain à quel point les prêteurs sont toujours disposés à acquérir de la dette canadienne. La Banque du Canada procédera à l'adjudication d'une obligation de 10 ans. Si l'accueil est tiède, il pourrait s'ensuivre un élargissement de l'écart de taux entre les obligations canadiennes et celles des provinces.

Si l'humeur est favorable, les coûts d'emprunt du Québec vont grimper au moins autant que ceux du Canada.

Depuis le 1er avril, Québec a emprunté 6,7 milliards. Il lui reste 4 milliards à trouver pour compléter ses besoins financiers du présent exercice.

Quelques chiffres

6,7 milliards

Montant emprunté par le gouvernement du Québec depuis le 1er avril. Il lui reste 4 milliards à trouver pour combler ses besoins du présent exercice.

3,133%

Début mai, la province avait émis une tranche de 500 millions d'une obligation venant à échéance le 1er septembre 2023. L'émission lui coûte 2,724% en intérêts annuels. Depuis, elle a émis trois autres tranches de 500 millions aux taux de 2,873%, 3,012% et 3,133%.