Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) lance un cri d'alarme devant la menace de grève, la semaine prochaine, dans l'industrie de la construction.

En conférence de presse mardi à Montréal, le président du CPQ, Yves-Thomas Dorval, a appelé les parties à s'entendre mais pas à n'importe quel prix.

«Il est compréhensible qu'on puisse vouloir maintenir le pouvoir d'achat au niveau de la partie syndicale. Cependant, il faut être réaliste et tenir compte de la situation économique actuelle au Québec, a-t-il averti. Ça ne va pas très bien au niveau mondial et, comme le Québec dépend du niveau mondial, ça ne va pas très bien non plus au Québec. Le PIB, la croissance économique n'est pas très forte.»

Si une grève avait pour effet de paralyser les chantiers, une tentative d'acheter la paix en cédant aux demandes des travailleurs aurait aussi des conséquences très graves sur l'économie, estime le CPQ.

Pour illustrer cette menace, M. Dorval était entouré de grands donneurs d'ouvrage, soit des représentants du secteur forestier, de l'aluminium et des manufacturiers et exportateurs, qui ont tour à tour invoqué le spectre des pertes irrécupérables, du désinvestissement et de la délocalisation.

«On ne peut pas se permettre, pour les beaux yeux du monde, de dire: on va s'exposer à des coûts supérieurs qui ne sont pas justifiés au Québec parce que ça va faire plaisir à une majorité de personnes ou à un groupe d'individus», a laissé tomber Jean Simard, président-directeur général de l'Association de l'aluminium du Canada.

«On est dans une logique de concurrence mondiale et plus on amincit la marge de manoeuvre de nos usines, en accumulant des coûts qui nous éloignent des moyennes mondiales de productivité, plus on se dessert comme population parce qu'on va progressivement se transférer dans une logique de désinvestissement», a-t-il ajouté.

D'autres associations de grands donneurs d'ouvrage, notamment dans les domaines miniers et du commerce de détail, ont manifesté leur appui à l'intervention du CPQ.

Malgré ces sombres prévisions, le président du CPQ s'est défendu d'être alarmiste.

«Non, nous ne sommes pas alarmistes, a soutenu Yves-Thomas Dorval. Ce que l'on vous dit simplement c'est que ça fait partie d'un tout réel qui a des impacts réels. Ce n'est pas parce que le Québec n'a pas d'attraits ou d'atouts, qu'il va réussir par contre à empêcher les gens d'aller investir ailleurs ou de ne pas investir ici si on vient d'ailleurs.»

M. Dorval s'est rangé résolument derrière les associations patronales de la construction - qui sont membres du CPQ -, affirmant que les demandes syndicales se traduiraient par une augmentation de 20 pour cent des coûts de main-d'oeuvre sur quatre ans, soit un déboursé additionnel de 1,4 milliard $. Selon le CPQ, les demandes salariales représentent une augmentation 3,7 pour cent qu'il estime déraisonnable dans un contexte où le taux d'inflation n'est que de 1 pour cent.

«Notre message c'est de dire: écoutez, il y a un impact énorme aux décisions que vous allez prendre, un impact énorme sur l'économie du Québec, sur l'ensemble des contribuables, sur la fiscalité, sur les dépenses publiques et au gouvernement, qui veut équilibrer son budget. Les décisions qui vont être prises à la table vont avoir un impact énorme également sur la capacité du gouvernement de retourner à l'équilibre budgétaire», a précisé le président du CPQ.

Pour illustrer son propos, il a affirmé que le coût de cinq projets publics - le CHUM, le CUSM, le CHU Sainte-Justine, l'Hôtel-Dieu de Québec et l'Amphithéâtre de Québec - augmenterait au total de 204 millions $ si les associations patronales cédaient aux demandes syndicales.

Selon lui, les travailleurs de la construction ne doivent pas viser l'enrichissement par le biais des augmentations salariales, mais bien par une augmentation du nombre d'heures travaillées, un objectif qui sera inatteignable si leurs conditions se traduisent par une baisse des investissements.

À Québec, la ministre du Travail, Agnès Maltais, s'est contentée de réaffirmer l'intention de son gouvernement de laisser le processus suivre son cours normal.

«Nous n'interviendrons pas, c'est à eux (les parties patronale et syndicale de la construction) à s'asseoir ensemble et à négocier et à signer. Je vous rappelle que, depuis le nouveau régime, depuis 1993, il n'y a plus de loi spéciale», a dit la ministre.