Alors que les entreprises du secteur alimentaire prennent des mesures pour contrer les conséquences négatives de l'avis d'ébullition émis mercredi à Montréal, les embouteilleurs et les vendeurs d'eau se frottent les mains.

Molson

Une grosse bouilloire

L'eau est le principal ingrédient qui entre dans la fabrication de la bière, mais les amateurs n'ont rien à craindre, selon le porte-parole de Molson Coors Canada pour le Québec, Sébastien Charbonneau.

«La situation actuelle à la Ville de Montréal ne nous affecte aucunement parce que nous avons notre propre système de traitement pour l'eau que nous utilisons pour nos procédés de brassage et pour le nettoyage de nos bouteilles», a-t-il déclaré.

Il a affirmé que ce système de traitement, qui comprend des étapes de filtrage, de chloration et de traitement UV, est nécessaire même lorsque l'eau de Montréal est parfaitement potable.

«Ce n'est pas une question de confiance, mais d'«atteindre le niveau de pH requis par nos brasseurs pour respecter l'intégrité des recettes de brassage», a-t-il expliqué.

Des brasseries plus petites, comme Les Brasseurs RJ, disposent elles aussi de leur propre système de traitement d'eau.

M. Charbonneau a également fait valoir que la bière était pasteurisée. «Pour brasser la bière, il faut amener l'eau à ébullition dans la cuve, avec le malt et l'orge, a-t-il indiqué. Une brasserie, c'est une grosse bouilloire.»

Molson pourrait en fait bénéficier de la situation. M. Charbonneau a noté que dans les médias sociaux, les blagues fusaient au sujet de l'attrait soudain des boissons embouteillées, et notamment de la bière.

«Je ne peux que croire que les gens vont se tourner vers les produits comme les bonnes bières brassées à Montréal», a-t-il lancé.

Metro

Régime sec pour les fruits et légumes

Dans ses épiceries situées dans le périmètre soumis à l'ordre d'ébullition de l'eau, Metro a fermé les brumatisateurs, ces systèmes qui vaporisent des gouttelettes d'eau sur les étalages de fruits et légumes. L'entreprise a également fermé ses machines à café et a entrepris d'utiliser de l'eau embouteillée pour ses mets préparés.

La fermeture des brumatisateurs ne constitue pas un gros problème, a affirmé la porte-parole de Metro, Geneviève Grégoire. S'ils aident à prolonger la fraîcheur des fruits et légumes, ils ne sont pas essentiels. En fait, plusieurs épiceries Metro n'en possèdent pas, et les fruits et légumes ne s'en portent pas plus mal.

L'avis d'ébullition n'a pas d'effet sur les opérations de nettoyage des épiceries.

«La Ville nous a dit que nous pouvions utiliser l'eau de robinet en raison des produits de nettoyage que nous utilisons, a déclaré Mme Grégoire. Par exemple, pour les comptoirs de boucherie, les produits sont bien suffisants pour tuer les bactéries, s'il y en a.»

Évidemment, Metro voit avec plaisir ses étalages d'eau embouteillée se vider.

«Il y a eu des livraisons spéciales pour approvisionner les magasins et il y en aura une autre cet après-midi», a déclaré Mme Grégoire en entrevue hier.

Catelli

Un camion-citerne pour le spaghetti

Ronzoni a stoppé la production de son usine de pâtes Catelli, située dans l'est de Montréal, à midi mercredi. L'entreprise a mis de côté tous les aliments produits au cours des 24 heures précédentes et a fait venir un camion-citerne contenant 15 000 litres d'eau potable, soit ce qui est nécessaire pour deux jours de production. Elle a commencé par faire circuler cette eau potable dans la machinerie pendant 30 minutes pour bien nettoyer le tout. Puis, elle a été en mesure de reprendre la production à 21h mercredi.

«C'est certain que ça coûte cher, mais dans ce genre de situation, ce n'est pas la dépense qui compte, mais l'innocuité des aliments» a déclaré Doug Watt, vice-président et directeur général de Ronzoni Foods Canada.

Les aliments produits tout juste avant l'arrêt de la production ne seront pas détruits immédiatement. Si les tests de la Ville de Montréal révèlent que l'eau était demeurée potable, ces aliments pourront être remis en circulation.

Ronzoni retire également des échantillons de la production actuelle à intervalles réguliers pour les faire tester par un organisme indépendant.

«La bonne nouvelle, c'est que nous avons une procédure de crise que nous utilisons dans le cas d'une situation de cette sorte, a indiqué M. Watt. À ce moment-ci, il n'y a pas de raisons de s'inquiéter au sujet de la qualité des produits Catelli.»

Embouteilleurs

L'eau coule à flots

Heureusement, la crise arrive au moment où les entrepôts d'Eaux vives Waters, qui produit l'eau embouteillée Eska, sont bien pleins.

«Nous sommes à la veille de la période estivale, qui est notre plus grosse période de l'année, a expliqué Sylvain Boudreault, vice-président des opérations chez Eaux vives Waters. Nous avons les effectifs pour cette période de l'année, nous sommes à capacité.»

La situation aurait été plus difficile si l'avis d'ébullition avait été émis à la fin de l'été, alors que les stocks sont au plus bas.

«Le défi en est plus un de logistique que de production, a indiqué M. Boudreault. Il faut dépêcher les camions le plus rapidement possible.»

Du côté d'Aquaterra, qui produit l'eau Labrador et qui est présente à la grandeur du Canada, on a l'habitude des crises de ce genre.

«Le dernier grand avis d'ébullition était à Vancouver, s'est rappelé Alain Lavallée, vice-président chez Aquaterra. Nous avons fourni la ville pendant presque une semaine avec nos usines de là-bas. On se rappellera également le déluge au Saguenay: nous avons livré de l'eau par hélicoptère là-bas.»

Avec le temps, Aquaterra a mis un système en place pour répondre à ce type de besoin.

«Comme nous avons plusieurs usines et centres de distribution, nous redirigeons les stocks vers là où se trouve le besoin, a indiqué M. Lavallée. Et hier, le besoin était à Montréal.»

Loblaw

Ventes record d'eau

Les magasins du groupe Loblaw de Montréal ont écoulé 1,4 million de bouteilles d'eau dans les 36 heures qui ont suivi l'avis d'ébullition émis par la Ville. Du jamais vu en si peu de temps pour le détaillant.

L'épicier, qui exploite les enseignes Loblaws, Provigo et Maxi, se targue de n'avoir subi aucune pénurie dans ses commerces. «Nous avons envoyé 40 camions de 52 pieds de long remplis de bouteilles vers nos magasins. On a même baissé le prix de notre eau», relate Hugues Mousseau, porte-parole de l'entreprise au Québec.

Quelques situations inattendues et inhabituelles se sont par ailleurs produites. Un hôpital s'est approvisionné au Loblaws du parc Angus en y remplissant tout un camion de bouteilles. D'autres clients ont demandé l'autorisation pour remplir leur véhicule en utilisant les quais utilisés, d'ordinaire, pour remplir le magasin.

Pour désaltérer les milliers d'employés de son siège social du boulevard Saint-Croix, à Saint-Laurent, Loblaw s'est tout simplement rendue à son magasin Loblaws à proximité, relate le porte-parole. Les choses ont été un peu plus compliquées du côté de Desjardins, qui a commencé en fin d'après-midi à distribuer des bouteilles dans ses 14 bureaux administratifs de Montréal.

«Ça n'a pas été évident de se retourner de bord. On a été pris de court comme bien du monde. Par le temps qu'on comprenne nos obligations légales, on a commandé 4000 petites bouteilles et 812 grosses. Évidemment, il y a eu des délais de livraison», a relaté le porte-parole de la coopérative, André Chapleau.

- Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier