Alors que les surplus d'électricité s'accumulent, Hydro-Québec a décidé de ne plus rendre public le prix de vente qu'elle obtient pour écouler ces surplus sur les marchés d'exportation.

C'est une information «sensible sur le plan commercial qu'on ne veut pas divulguer», a expliqué hier Lise Croteau, vice-présidente de la société d'État, à l'occasion de la publication des résultats du premier trimestre de 2013.

Selon elle, les exportations ont rapporté de 3 à 7 cents le kilowattheure au cours des trois premiers mois de l'année. À cause de la grande volatilité des prix et du fait que cette information pourrait nuire à ses activités commerciales, Hydro-Québec a choisi de la garder secrète, a indiqué Mme Croteau.

C'est gênant, a commenté hier l'analyste en énergie Jean-François Blain, qui suit de près les activités d'Hydro-Québec. Il ne croit pas aux raisons invoquées par la société d'État. «Il n'y a pas du tout d'enjeux commerciaux, estime-t-il. Les concurrents connaissent les prix parce que les marchés sont publics.»

La décision d'Hydro a plutôt à voir, selon lui, avec sa pauvre performance sur les marchés d'exportation, qu'elle préfère cacher aux Québécois. Les prix de l'électricité sont déprimés, la demande américaine tarde à revenir, et le dollar canadien est pratiquement au pair avec le dollar américain. «On ne peut pas imaginer une situation plus adverse pour Hydro-Québec», dit-il, alors que ses surplus d'électricité à écouler sont énormes.

Dans les bonnes années, quand chaque kilowattheure exporté rapportait de 8 à 11 cents, les dirigeants d'Hydro étaient fiers de faire savoir le prix qu'ils obtenaient sur les marchés. Mais depuis 2008, ce prix n'a pas cessé de diminuer et il tourne actuellement autour de 3 cents le kilowattheure.

Le prix qui peut être obtenu sur les marchés d'exportation est un élément important du débat qui s'annonce sur la prochaine stratégie énergétique du Québec. Vaut-il mieux augmenter les ventes aux alumineries à 4 cents le kilowattheure pour créer des emplois au Québec, plutôt que d'exporter à 3 cents le kilowattheure?

«C'est le gros morceau du casse-tête», reconnaît Luc Boulanger, porte-parole de gros consommateurs d'énergie regroupés dans l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité (AQCIE).

M. Boulanger comprend, «jusqu'à un certain point», qu'Hydro-Québec veuille garder ses stratégies commerciales secrètes. Le prix obtenu pour des ventes passées n'est toutefois pas un si grand secret, reconnaît-il.

Les alumineries et les grands consommateurs d'électricité ont les moyens de calculer les prix de vente sur les marchés de l'électricité, à partir des données disponibles. Le fait qu'Hydro ne veuille plus dire le prix qu'elle obtient sur les marchés «nous rend la tâche plus difficiles», dit Luc Boulanger, mais pas impossible.

À pleins tubes

Selon l'AQCIE, la brève flambée des prix du gaz naturel en Nouvelle-Angleterre en janvier dernier aurait dû permettre à Hydro-Québec d'augmenter ses profits à l'exportation de 100 millions de dollars au premier trimestre.

L'augmentation n'a été que de 67 millions, a indiqué hier la société d'État. Hydro a pourtant exporté à pleins tubes l'hiver dernier, soit 7,8 térawattheures, comparativement à 5,9 térawattheures l'hiver prédécent. C'est une augmentation de plus de 30%, énorme pour les mois d'hiver, qui donne une bonne idée de l'ampleur des surplus d'électricité.

Le premier trimestre est toujours le plus rentable de l'année pour Hydro-Québec, en raison des besoins de chauffage au Québec.

Sur le marché québécois, les profits du premier trimestre sont en baisse de 107 millions par rapport à l'an dernier, malgré un hiver plus froid.

Hydro explique cette baisse par l'augmentation des achats d'électricité de source éolienne (48 millions) et de la biomasse (16 millions), de même que par la hausse des pertes pour mauvaises créances (15 millions).

Le rapport trimestriel rendu public hier était le premier signé par le nouveau président du conseil d'administration, Pierre Karl Péladeau, entré en fonction le 15 mai.

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Résultats du premier trimestre de 2013 (par rapport à 2012)

> Ventes totales:

3,9 milliards (+ 243 millions)

> Profit net:

1,3 milliard (+ 24 millions)

> Ventes au Québec:

3,4 milliards (+ 150 millions)

> Profit:

442 millions (- 107 millions)

> Ventes à l'exportation:

475 millions (+ 155 millions)

> Profits: Hydro-Québec déclare une augmentation des profits d'exportation de 67 millions, mais refuse de dévoiler le montant exact de ces profits.

> Quantité d'électricité exportée:

T12 012: 5,9 TWh

T12 013: 7,8 TWh (+ 32%)

Source: Hydro-Québec