Le crédit d'impôt pour le développement des affaires électroniques est perçu comme «opaque» et «arbitraire» par bien des entreprises et coûte quelque 230 millions de dollars au gouvernement du Québec chaque année. Mais ses retombées dépassent largement ses coûts et il devrait être reconduit.

C'est en tout cas ce que conclut une étude de Raymond Chabot Grant Thornton, dont les auteurs ont passé cette mesure de soutien au peigne fin.

«Le crédit d'impôt pour le développement des affaires électroniques (CDAE) est une mesure pertinente qui atteint en général ses objectifs», tranche Maxime Godin, directeur, conseil et stratégie, chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).

La firme comptable se défend d'avoir pondu un rapport qui va dans l'intérêt des entreprises qui l'avaient mandatée d'étudier la question, soit justement celles qui sont engagées dans le développement des affaires électroniques.

«Nous sommes une firme de vérification, nous faisons notre travail de façon indépendante, peu importe qui nous mandate, dit M. Godin. On avait deux points de vue à refléter: celui des entreprises, mais aussi celui des payeurs de taxe et de la société.»

Instauré en 2008, le CDAE est destiné aux entreprises qui développent des technologies de l'information. Celles qui fabriquent du matériel informatique, conçoivent des logiciels ou hébergent des données y ont notamment droit. Le crédit doit toutefois prendre fin le 31 décembre 2015.

Selon les chiffres de Raymond Chabot Grant Thornton, la mesure a soutenu 11 650 emplois en 2011, ce qui a coûté 233 millions à l'État québécois. La firme comptable estime qu'environ le tiers de ces emplois a été directement créé ou maintenu par la mesure. En payant leurs impôts et leurs taxes, ces travailleurs auraient généré 253 millions de retombées fiscales au provincial et au fédéral, soit davantage que le coût de la mesure.

Délocalisations évitées

Frédéric Boulanger est cofondateur et chef de la direction de Macadamian, une firme de conception de logiciels qui emploie 225 travailleurs au Québec, mais aussi aux États-Unis, en Roumanie et en Arménie. Selon lui, il est clair qu'une plus grande part de ses employés serait aujourd'hui en Roumanie et en Arménie si ce n'était du crédit aux affaires électroniques.

«On considère qu'avoir des Québécois impliqués dans nos projets est un gage de succès, mais jusqu'au prix qui peut être soutenu par le marché. Si c'est trop cher, on va embaucher ailleurs ou procéder autrement», a-t-il expliqué.

Martin Thibault, président de la firme Absolunet, estime aussi qu'il aurait eu à délocaliser des emplois s'il n'avait pu compter sur la mesure de soutien.

Selon Raymond Chabot Grant Thornton, l'impact du crédit va cependant bien au-delà des entreprises qui en bénéficient directement. En favorisant le développement des technologies de l'information au Québec, il sert aussi à toutes les entreprises clientes qui utilisent ces outils.

«La mesure contribue à l'accroissement de la productivité dans l'ensemble des secteurs de l'économie. Et là-dessus, le Québec accuse un grand retard», dit Maxime Godin, l'un des auteurs de l'étude.

RCGT rappelle aussi que le CDAE soutient une industrie qui exporte une large part de sa production et qu'il peut s'avérer un atout pour attirer les multinationales au Québec.

Ça ne veut pas dire que le programme québécois est parfait. Jugé «complexe», «opaque» et «arbitraire» par les entrepreneurs, il échoue aussi à intégrer les technologies les plus récentes dans la liste de celles qui peuvent être soutenues, selon RCGT, qui évoque aussi la «longueur et l'imprévisibilité des délais administratifs».

«On doit mettre de 500 à 600 heures par année seulement pour ce programme, sans compter le travail de documentation qu'on doit demander à tous les employés et qui alourdit leurs tâches», raconte Martin Thibault, d'Absolunet.