Après des années de «croissance effrénée», les acrobates du Cirque du Soleil doivent revenir sur terre. L'entreprise québécoise stabilisera le nombre de ses productions, réduira ses budgets de spectacles et abolira jusqu'à 400 emplois, la majorité à son siège social de Montréal, d'ici la fin mars. Il s'agit d'une réduction de 9% de ses effectifs à travers le monde.

«Nous avons mal observé une croissance substantielle des coûts de production de nos spectacles», dit Renée-Claude Ménard, porte-parole du Cirque, qui compte plus de 2000 de ses 5000 employés à son siège social de Montréal. La «majorité» des pertes d'emploi auront lieu à Montréal, mais le Cirque n'était pas en mesure hier de préciser combien. Les autres pertes d'emploi auront lieu dans ses bureaux aux États-Unis et dans ses équipes de spectacles à travers le monde.

Le cofondateur Guy Laliberté (actionnaire à 80%) et le président et chef de la direction Daniel Lamarre ont annoncé les pertes d'emploi hier après-midi lors d'une rencontre avec les employés montréalais du Cirque. «Il y a évidemment beaucoup d'inquiétude puisque nous ne savons pas encore qui va perdre son emploi. Nous nous attendions à tout depuis un an», a dit une employée du Cirque, dont le contrat ne sera pas renouvelé.

Au cours des 13 derniers mois, le Cirque du Soleil a dû arrêter précipitamment quatre spectacles (Zed au Japon, Zaia à Macao en Chine, Viva Elvis à Las Vegas et Iris à Los Angeles), en raison de ventes de billets décevantes. Résultat: le Cirque a perdu de l'argent en 2012, une première depuis des lunes pour l'entreprise. «La rentabilité s'est effritée à partir de 2008», dit Renée-Claude Ménard.

En 2011, le Cirque a généré des profits, plus modestes que prévu, sur un chiffre d'affaires d'environ un milliard de dollars. En 2012, le Cirque a établi des nouveaux records en matière de revenus et de billets vendus (plus de 14 millions), mais a terminé l'année dans le rouge. Le Cirque a effectué environ 50 mises à pied au cours de la dernière année.

Pour retrouver la rentabilité, le Cirque sabrera dans ses dépenses. Il se départira de 400 employés d'ici la fin mars et réduira le coût de ses productions. «Nous espérons que nos nouvelles productions soient aussi innovatrices, mais qu'elles coûtent un peu moins cher», dit Renée-Claude Ménard.

Le Cirque stabilisera aussi son nombre de spectacles: à partir de maintenant, chaque nouveau spectacle devrait en principe remplacer un spectacle à la fin de son cycle de vie. «Nous avons déjà adapté notre rythme de production», dit Renée-Claude Ménard.

Malgré l'annonce des pertes d'emploi, le Cirque dit «ne pas être en crise». «Le Cirque a quand même 19 productions en cours, dit Renée-Claude Ménard. Il n'y a pas une seule entreprise dans le monde qui a autant de spectacles (du genre). Nous ne considérons pas que c'est un échec que d'avoir 19 spectacles (en même temps). Le Cirque va très bien et il est plus que jamais déterminé à nous représenter sur la scène internationale.»

Photo Bernard Brault, La Presse

Renée-Claude Ménard, porte-parole du Cirque, face aux médias.

Pourquoi le Cirque perd de l'argent

Des coûts de production qui explosent. Une récession mondiale. Des casinos moins généreux à Las Vegas. Un tsunami au Japon qui a forcé l'annulation d'un spectacle. La force du dollar canadien. Autant de raisons qui forcent aujourd'hui le Cirque du Soleil, déficitaire en 2012, à sabrer dans ses dépenses et abolir jusqu'à 400 emplois.

La priorité immédiate du Cirque sera de contrôler ses dépenses, qui ont augmenté de « façon significative » depuis 2008. « Nous n'y avons pas porté l'attention que nous aurions dû. C'est ce que nous sommes en train de réviser en profondeur », dit Renée-Claude Ménard, porte-parole du Cirque.

Mais il n'y a pas que les dépenses du Cirque qui se sont modifiées depuis 2008. « Le marché a beaucoup changé, indique Renée-Claude Ménard. On doit revoir notre le modèle d'affaires, revoir la façon dont on développe avec nos partenaires, la façon dont on crée nos nouveaux spectacles, et le type de spectacles qu'on veut faire à l'avenir.»

À Las Vegas comme ailleurs, les partenaires du Cirque ne sont plus prêts à lui dérouler le tapis rouge en assumant tous les risques financiers. « Il fut un temps où le Cirque avait des partenaires qui étaient prêts à prendre l'ensemble des risques. Ce n'est plus le cas », dit Renée-Claude Ménard. À Las Vegas, où le Cirque a connu plusieurs succès à la fois critiques et financiers, les casinos payaient les coûts de production du spectacle et les coûts de construction de la scène, et les deux entreprises se partageaient les profits. « Ce modèle d'affaires n'existe plus », dit Mme Ménard.

Le Cirque a aussi souffert des difficultés économiques aux États-Unis, son principal marché, où il a dû mettre fin prématurément à deux spectacles (Viva Elvis à Las Vegas et Iris à Los Angeles). La hausse du dollar canadien a aussi joué des tours au Cirque : chaque hausse d'un cent par rapport au dollar américain lui coûte trois millions de dollars par année.

Autre facteur expliquant les difficultés financières du Cirque en 2012 : les millions promis par les actionnaires minoritaires de Dubaï quand ils ont acquis 20% des actions en 2008, mais qui n'ont finalement pas été investis en raison de la crise financière mondiale.

Photo Bernard Brault, La Presse