Deux milliards de dollars. C'est ce qu'a coûté l'aide du gouvernement du Québec à la production porcine, depuis 2000.

En fait, les interventions de la Financière agricole (programmes d'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), Agri-investissement et Agri-Québec) s'élèvent à 2,87 milliards en 12 ans. Mais les producteurs de porcs ont aussi contribué à la cagnotte, en y versant... 880 millions.

Remonter plus loin dans le temps aggrave le bilan du programme ASRA, qui vise à garantir aux agriculteurs un prix par porc suffisant pour couvrir les coûts de production dans une ferme moyenne.

Depuis 1978, le gouvernement provincial a versé près de 4,4 milliards dans l'ASRA, tandis que les producteurs de porc y ont mis presque 1,4 milliard. Le calcul n'est pas difficile à faire: assurer les revenus des éleveurs de cochons a coûté un peu moins de 3 milliards aux contribuables.

La situation est loin de s'améliorer pour les éleveurs, qui produisent leurs porcs carrément à perte, année après année.

«On est en crise depuis cinq ou six ans, et on ne voit pas encore le bout du tunnel», constate Claude Laflamme, secrétaire du Syndicat des producteurs de porcs de Lanaudière.

La force du dollar canadien a fait monter le prix du porc québécois, dont 60% est exporté. La crise financière mondiale a réduit la demande de viande, comme la grippe A (H1N1), faussement appelée grippe porcine.

Des exportations plus importantes

Plus important encore, les Américains sont rapidement passés d'acheteurs à vendeurs de viande porcine. Leurs exportations «nettes» de porc sont désormais 11 fois plus importantes qu'en 2000, selon le département d'agriculture des États-Unis.

«À partir du moment où leurs abattages ont dépassé 2 millions de têtes par semaine, ça a occasionné un krach des prix, se souvient Charles Proulx, président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec de 1993 à 1997. On n'a jamais été capables de se relever depuis.»

D'autant plus que le Brésil a aussi augmenté son volume de production, se classant quatrième au monde, derrière la Chine, l'Union européenne et les États-Unis (le Canada est au sixième rang).

Les récents espoirs de relance du secteur ont été plombés par la grave sécheresse qui a touché nos voisins du Sud, l'été dernier. Le prix des grains, dont sont nourris les cochons, a explosé.

Suite logique: incapables de faire leurs frais, de nombreux producteurs nord-américains ont liquidé leurs troupeaux cet automne. L'offre accrue a fait chuter le prix de la viande.

«En septembre et octobre, les prix sont descendus vraiment bas, précise Luc Ménard, directeur de la production porcine chez F. Ménard/Agromex, qui produit 15% des porcs du Québec. On vendait un cochon 125$! On perdait alors de 30 à 40$ par cochon, alors que le reste de l'année, on a de 25$ à 30$ de perte. Heureusement que notre gouvernement soutient les éleveurs.»

»Situation exceptionnelle»

«On s'est ramassés dans une situation conjoncturelle tout à fait exceptionnelle, qui n'est pas unique au Québec, observe Michel Morisset, responsable du Groupe de recherche en économie et politiques agricoles à l'Université Laval. Tout le monde vit la même crise que nous.»

Le Québec compte aujourd'hui 1061 producteurs de porcs adhérents à l'ASRA, le tiers de moins qu'en 2006. Quant au nombre de porcs assurés, il a atteint un sommet (7,8 millions) en 2008, mais ne sera que de 6,3 millions en 2012, selon les prévisions de la Financière agricole.

Il faut noter que depuis l'an dernier, environ 600 000 porcs nés hors Québec sont jugés non assurables, ce qui a fait chuter le volume. Coût net des interventions de Québec dans le secteur porcin cette année: 191 millions. Soit 101 millions de plus que l'an dernier.

L'industrie porcine en chiffres dans un tableau en cliquant ici.