Après avoir été patiente pendant 12 ans, la Caisse de dépôt renonce à rentabiliser son investissement de 3,2 milliards dans Québecor Média. Elle a revendu hier la moitié de sa participation à Québecor et prévu qu'elle se départirait du reste d'ici 2018.

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Au terme de longs mois de négociations, Québecor a accepté de racheter 20,7% des actions détenues par la Caisse pour 1,5 milliard. La transaction annoncée hier donne une valeur de 2,75 milliards au placement de la Caisse qui, comme elle avait déboursé 3,2 milliards pour l'acquérir en 2000, lui laisse une perte de 450 millions.

Cet investissement, dont le but était d'éviter que Vidéotron soit avalée par Rogers Communications, était le plus gros de l'histoire de la Caisse de dépôt, mais il n'a pas été son meilleur coup. Même en tenant compte des dividendes de 324 millions versés à la Caisse par Québecor Média depuis 2003, le rendement de cet investissement est négatif alors qu'un placement passif dans l'indice de la Bourse de Toronto a rapporté 17,6% sur la même période de temps.

«Les conditions favorables étaient réunies pour rééquilibrer notre portefeuille», s'est contenté de dire le président et chef de la direction de la Caisse, Michael Sabia, dans un communiqué.

Pierre Karl Péladeau, pour sa part, a souligné que les taux d'intérêt relativement bas permettent à Québecor d'accroître sa part de Québecor Média de 55% à 75% à un coût raisonnable.

Bénéfice d'exploitation triplé

Avec le soutien de la Caisse, Québecor Média a triplé son bénéfice d'exploitation entre 2000 et 2012. Mais à cause du prix très élevé qu'elle a payé, la Caisse n'a jamais réussi à rentabiliser son investissement. Elle pourrait réduire sa perte avec la participation de 24,6% des actions de Québecor Média qui lui reste. La Caisse s'est toutefois donné la possibilité de les vendre avant le 31 décembre 2018.

Les deux parties se sont donné rendez-vous le 1er avril 2016 pour discuter de la façon dont la Caisse pourrait se départir du bloc d'actions qui lui reste. À défaut d'une entente au bout de deux ans de discussions, soit le 31 décembre 2018, la Caisse pourrait vendre sa part à un tiers, forcer Québecor à la racheter ou l'obliger à faire un premier appel public à l'épargne, prévoit l'entente annoncée hier.

La décision de la Caisse de négocier maintenant sa sortie de Québecor Média n'arrive pas au meilleur moment pour Québecor. L'entreprise de Pierre Karl Péladeau est engagée dans un ambitieux plan d'expansion dans le sans-fil et elle convoite une équipe de la Ligue nationale de hockey, ce qui nécessite beaucoup d'argent. Elle est aussi en concurrence directe avec BCE, qui investit des milliards dans l'amélioration de son réseau. Le rachat d'une partie de la participation de la Caisse force Québecor à alourdir sa dette, ce qui risque de limiter sa capacité d'expansion.

Pour financer la transaction, Québecor emprunte 500 millions à la Caisse sous forme de débentures et ira chercher 1 milliard supplémentaire en emprunts sur les marchés financiers.

Pierre Karl Péladeau a reconnu hier en conférence téléphonique avec les analystes financiers qu'il était engagé dans des activités qui nécessitent beaucoup de capital.

Il a souligné que son entreprise a déjà prouvé sa capacité de réduire son endettement, mais il n'a pas voulu dire si la transaction ralentirait le rythme de son expansion dans le reste du Canada ou modifierait sa politique de versement de dividende.

Les analystes étaient divisés hier sur l'impact qu'aura la décision de la Caisse sur la valeur de l'action de Québecor (voir autre texte). Québecor est la société mère de Québecor Média qui regroupe des journaux (Sun Media), le câblodistributeur Vidéotron, le télédiffuseur TVA, des magazines et des sites internet.

Rester au Québec?

Alors que le gouvernement nouvellement élu de Pauline Marois veut que la Caisse joue un plus grand rôle dans l'économie du Québec, elle recevra 1,5 milliard qui pourra être réinvesti ailleurs.

Cet argent sera-t-il réinvesti au Québec? Idéalement oui, a fait savoir le porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon. «C'est le marché qu'on connaît le mieux, mais ça n'exclut pas qu'il y ait des investissements ailleurs. On ne télégraphie jamais aux marchés les investissements qu'on va faire», a-t-il dit.