La grogne des entrepreneurs envers les nouvelles mesures fiscales du Parti québécois ne s'apaise pas, et plusieurs préparent en ce moment le déménagement de leurs sociétés ou de certains actifs.

Daniel Fortin, associé au sein des services fiscaux au bureau de Montréal de PricewaterhouseCoopers et spécialisé dans les PME, enchaîne les réunions. «Je m'en vais rencontrer un président dans quelques minutes, on va discuter de la façon dont on va déplacer ses choses. Demain midi, je dîne avec un autre président: c'est mon quotidien ces temps-ci. On va avoir un automne très, très, très chargé, le plus chargé des 22 dernières années... mais pas pour le bien du Québec.»

Les gens d'affaires digèrent mal les hausses prévues du taux d'imposition sur les salaires élevés. Ils déplorent aussi - comme bien des petits investisseurs - le rehaussement de 50% à 75% de la part imposable du gain en capital. Des mesures que le gouvernement péquiste souhaite rétroactives.

Daniel Fortin a rencontré la semaine dernière le président d'une PME montréalaise dont le chiffre d'affaires dépasse les 200 millions, qui a plusieurs bureaux au Canada, et qui veut déménager. «Dans un cas comme celui-là, que le siège social soit à Montréal, Toronto ou Vancouver, ça ne change pas grand-chose.»

Il parle aussi d'un client qui a récemment vendu sa société et qui détient 40 millions de dollars dans une société de portefeuille. «C'est un entrepreneur dans les tripes, mais il regarde pour faire des projets avec son argent ailleurs qu'au Québec. Il s'agit de déménager sa résidence, et automatiquement son holding déménage. À partir de là, il fera ce qu'il veut avec ses 40 millions: il regarde des projets en Ontario et en Alberta.»

M. Fortin estime que «probablement juste 25%» de ses clients passeront à l'acte et quitteront le Québec. Pour l'heure, l'émotivité est à son comble. «Les entrepreneurs sont choqués, c'est incroyable! Je vous fais grâce de tout ce que j'entends, mais ils en descendent, des saints du ciel.»

Organisation discrète

Si la colère des gens d'affaires gronde, elle demeure discrète. Rares sont ceux qui se vantent sur la place publique de vouloir déménager leur entreprise.

«Les gens d'affaires ne manifestent pas dans les rues, mais ils se préparent», a dit à La Presse Affaires un ingénieur indépendant de la Rive-Nord, qui songe à déménager dans une autre province et qui a justement requis l'anonymat.

«On a plusieurs personnes qui nous parlent de déménager, qui sont inquiètes et qui se demandent quelle action poser concrètement, a ajouté Stéphane Leblanc, associé et fiscaliste chez Ernst&Young. Nos clients critiquent les mesures, mais ils ne font pas que critiquer: ils passent à l'action.»